L’Arbre à loques est le plus atypique des romans de Jean-Louis Costes. On y retrouve certes sa plume incisive, son style brutal et déjanté, ainsi que certains thèmes qu’il a déjà exploré dans d’autres livres, mais celui-ci surprend surtout par son large mélange des genres, sa « dimension suggestive » comme il le dit lui-même, par ses sous-entendus et ses hors-champs qui peuvent être aussi violents que les atrocités commises par certains personnages en pleine action.


Jean, le « héros » du roman, est un banlieusard du 9-3 qui passe des vacances dans sa maison d’enfance en Mayenne. Au cours d’une nuit, il est brusquement réveillé par une tempête. Ne trouvant pas sa fille dans sa chambre, il commence à paniquer puis bondit par la fenêtre et fonce à sa recherche sous les éclairs et la pluie, les pieds nus et en pyjama.


Jusque là, « rien de très original », diront certains... Sauf que d’entrée, Costes pose une ambiance de thriller excellente, mâtinée de comique, et dans laquelle son désopilant « héros » s’engouffre. Il lui fait ainsi traverser des pavés d’orties et de ronces humides lui piquant mollets et orteils, des barbelés lui arrachant des bouts de chair, et des fourrés boueux où le moindre bruit de branche qui craque le fait flipper. Et pas que lui, d’ailleurs, car l’auteur parvient à nous faire « sentir » l’atmosphère relativement hostile qui pèse sur la vie de notre papa flippé halluciné.


Poursuivant sa course folle à travers les collines et les sentiers obscurs, Jean finira par faire escale sur un calvaire. Puis, enfin, devant le fameux arbre à loques auquel les natifs attribuent de nombreux pouvoirs magiques. S’en suivra encore des rencontres musclées avec des « beaufs » aussi bourrins que superstitieux, des flics « à la matraque facile », des junkies-punks complètement barrés, et même avec un escargot qui deviendra son coach ! Le tout dans une région où les disparitions d’enfants sont fréquentes et génèrent un climat de méfiance généralisé.


Une des particularités de ce roman est qu’il est assez mystérieux. Comme le « narrateur », on en vient à se demander si une logique en relie tous les événements. Si la fille de Jean a réellement disparu, si ce dernier n’est pas en plein bad trip ou en train de délirer dans un hôpital psychiatrique, s’il n’est pas en plein cauchemar (éveillé), s’il n’est pas sous l’effet d’un sortilège, s’il est vraiment en week-end dans le Bocage encore empreint de sorcellerie et où le paysage peut être étrangement beau et menaçant... L’auteur dispersant pas mal de détails qui sont soit anodins, soit des insinuations trompeuses, soit des éléments-clés mais qui, dans tous les cas, brouillent les pistes et nous laissent franchement dans le doute.


Dans l’œuvre de Costes, la violence est quasi omniprésente. À force de lire ses romans ou écouter ses disques, on y est comme « habitué ». À ceci près que, dans ce livre, on peut encore être surpris par la légèreté avec laquelle certaines créatures commettent leurs horreurs. Comme on peut être surpris par sa « coloration » malsaine, imprégnée par le sang d’un passé abject et ses fantômes, par des secrets de familles rancunières se nuisant les unes les autres, comme dans de réelles histoires de sorcellerie et dont s’inspire probablement l’écrivain.


En outre, comme dans ses autres œuvres littéraires, les personnages de L’Arbre à loques sont pétris de paradoxes. Ce qui rend souvent leurs pensées idiotes et gerbantes assez drôles, autant que les situations cocasses dans lesquelles ils sont jetés et où le mélange de merde gluante, de charogne et de mystique confinent parfois à la poésie.


Y aura-t-il une suite à ce roman détonnant et en apparence insensé comme la fin pourrait le laisser entendre ? On l’ignore. Mais si vous êtes tentés d’en résoudre une partie ou la totalité des mystères, de passer un putain de bon moment lecture en compagnie de « ploucs » loufoques et violents et qui sont comme prisonniers d’un environnement sujet à la spiritualité et à la magie, rien de plus simple : commandez le sur Eretic-art ou sur Amazon.


Mentionnons pour terminer que L’Arbre à loques fut à l’origine écrit en 2011, c’est-à-dire entre les parutions d’Un bunker en banlieue et de Guerriers amoureux. Insatisfait du résultat, Costes l’a réécrit et étoffé pour enfin le publier huit ans plus tard. Et ce – croyez le ou non – pour le plus grand plaisir de ses lecteurs qui en redemandent !

Le 10 janvier 2020

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L'Arbre à loques
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