Même vieux, un Prix Goncourt (1964) qui a peut-être encore bien des choses à nous dire...

"L'état sauvage" de Georges CONCHON a été publié chez Albin Michel en 19664. Il a été Prix Goncourt sans peut-être avoir été fortement apprécié et, peut-être, peu compris à l'époque. Rien que sur le titre, on a beaucoup glosé! L'expression 'L'état sauvage' se voulait-elle simplement révélatrice d'une situation ou était-elle une provocation de l'auteur ? Les deux lectures sont possibles... mais elles ne révèlent pas le même port de lunettes choisies pour comprendre l'Histoire!


Moi, je le découvre aujourd'hui! Important de le signaler car ce livre est d'abord marqué par son temps. Le temps de son écriture que certains trouveront rebutante, poussiéreuse, ayant mal passé le cap des ans... Et c'est assez vrai! Mais ce livre est aussi marqué par le temps de l'Histoire, celui de ces républiques africaines qui, ayant obtenu 'l'indépendance' doivent encore inventer leur démocratie. L'enjeu est, dans une culture multi-tribale de 'faire état', de constituer une 'res publica', une gestion stable et durable qui soit 'affaire publique' et non culture de la vendetta et des clientélismes tribaux politiquement corrects Et puis, c'est aussi le temps des rejets d'ouverture d'une 'race' à l'autre. A l'époque, puisque le Blanc (l'innocence?) s'était auto-proclamé supérieur au Noir, que l'on disait nègre, toute liaison d'un noir avec une blanche était inacceptable des deux côtés! Et encore, c'est le temps où, historiquement, les 'blancs' doivent avoir tout rendu mais ne sont pas prêts à le faire d'autant qu'ils se savent (encore) indispensables à la gestion du pays. Bref, ce livre est un témoignage, romancé, des racismes qui régnaient à l'époque (et règnent encore?!?) entre blancs et noirs, entre noirs, entre blancs! Bref, tout contact d'une personne d'un groupe social avec une autre issue d'une autre faction était sujet à jugement, rejet, raillerie ou représailles. Bien difficile, alors, de 'vivre ensemble dans le respect des différences!...
Bien au-delà d'une historiette d''un mari cocufié, par un noir de surcroît, ma lecture, en 2015, ne peut être que celle qui me plonge au sein des contradictions et du décalage (tellement actuels encore!) qui existent entre le discours théorique sur le racisme et la proclamation de non-racisme qui en découle et les actes que l'on pose quand on entre en choc frontal et complexe avec le terrain, un pays que nos civilisations ont dominé et pillé et chez qui vivent ou survivent des humains désunis, tenaillés par une soif de revanche et de pouvoir.


Un livre qui n'est pas facile à lire, peu plaisant ... mais qui pose beaucoup de questions à qui essaye de deviner qu'elle aurait été sa propre réaction s'il avait été plongé au coeur de ce fait divers, au coeur de ces conflits, au coeur de ces rancoeurs.

François_CONSTANT
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le 30 août 2015

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