Personne mieux que Jean Meckert n'a si bien raconté l'aliénation du travailleur ! D'emblée, les pas d'Augustin Mercadet nous mènent dans les couloirs du métro parisien, bondé du « bon bétail domestiqué » que sont les ronds-de-cuir et les gratte-papier.

Après la cavalcade, la journée de travail commence dans les sinistres bureaux de l'administration exiguë, poussiéreuse et vétuste. Augustin, en charge de trier le courrier, s'étouffe dans les querelles, les ragots, les bassesses quotidiennes. Soumis, gorgés d'obséquiosité et dépourvus de fierté, les salariés invectivent les supérieurs tout en s'empressant de ramper à leur passage. L'humiliation que l'inspecteur en chef leur fait subir n'a d'égale que la lâcheté de ses sous-fifres qui se jurent de lui dire ses quatre vérités, un de ces jours... Méticuleux par nécessité, car sa tâche n'exige pas huit heures d'activité par jour, Augustin voit les heures s'égrener avec une impitoyable lenteur.

Cet homme est marteau parce qu'il est devenu fou, parce qu'il est le seul à ne pas accepter sa condition médiocre et son « asphyxie morale ». L'homme, au sens large, est marteau parce qu'il répète les mêmes gestes... Jusqu'où peut-il se rabaisser, et ravaler sa dignité ?

Le grand Jean Meckert, clairvoyant, lucide, n'a pas écrit un roman moderne : c'est la société capitaliste qui n'a pas changé. En apparence, les conditions de travail se sont améliorées. Les salariés travaillent moins d'heures hebdomadaires et ont davantage de congés, mais les détenteurs de l'économie veillent au maintien du vivier de femmes et de hommes prêts à tout pour le travail : la précarité, la concurrence, les objectifs de rendement... Et les salariés acceptent, parce qu'on leur a bien montré qui étaient les plus forts.

C'est une lecture rentrée, une lecture du dedans. Dit-on que la lecture fait voyager ? Ici c'est tout l'inverse. À travers Augustin on fait une introspective : « Et moi, est-ce que cette vie me guette ? » Mais on ne juge pas sa vie médiocre. Jean Meckert sait cerner et éveiller en nous le malaise de notre société capitaliste...

Lire l'intégralité de ma critique (avec citations à l'appui et conclusion) sur mon blog :
http://www.bibliolingus.fr/l-homme-au-marteau-jean-meckert-a80136608
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le 17 mars 2012

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