L'érotisme
5.8
L'érotisme

livre ()

Quand on fréquente l'université, un véritable processus de fascination-répulsion se met en place, comme lorsque l'on fréquente une personne peu recommandable qui nous attire malgré tout.


D'abord, la fascination s'installe : on est émerveillé par le savoir, la puissance intellectuelle et oratoire des professeurs, qui sont capables de disserter pendant de longue heures avec pour seuls appuis, une montre, un mouchoir, et une banque de données encéphalique équivalente à une bonne bibliothèque. De notre côté, nous pauvres esprits ignares baignés de "culture crasse et de Coca-Cola tiède", nous nous mettons à lire et écrire. Beaucoup. Souvent, d'ailleurs, trop et n'importe quoi, n'importe comment. Lorsque la fascination est à son paroxysme, nous dévorons les moindres articles du maître, avide de savoir, de son savoir. C'est ici que la fascination se duplique, se transforme : nous ne sommes pas avide de savoir, mais avide d'un savoir, celui qu'une personne que nous voyons comme supérieure et qui nous fait miroiter dans le prisme d'une rhétorique parfaitement structurée son savoir. Nous ne réalisons pas, jeunes pousses imbéciles encore baignées d'idéaux, que nous nous dupons nous-mêmes, et que nous nous égarons dans les contrées parfois hostiles de la recherche universitaire. Le doute, ce vieux compagnon de voyage (surtout en philosophie, vieux salop de René), commence à s'installer.
La transition de la fascination vers la répulsion s'opère alors, c'est le début d'un questionnement sur le bien-fondé d'une telle fascination. Les œuvres que nous lisions, d'un regard et d'un esprit dont la bonhomie semble, après coup, vraiment affligeante, nous apparaissent maintenant comme suspecte. Nous ne savons pas encore vraiment pourquoi.
Vient alors la phase de répulsion : nous nous gorgeons d'a priori sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à un essai universitaire, nous nous gargarisons de ne plus tomber dans le panneau, puisque, désormais, nous savons. Notre prétention évolue : d'abord prétention que tout mérite un intérêt équivalent, pour qu'enfin rien n'en mérite ne serait-ce qu'un tant soit peu. Le résultat, cependant, est similaire : d'abord faute de temps (on ne peut tout lire), puis faute d'engouement ("non mais j'vais pas lire ça, faut pas exagérer"), nous manquons des essais brillants. Mais toujours, nous tombons sur de mauvais essais, quand ils ne sont pas très mauvais.


L'érotisme est une question sérieuse, intéressante, qui mérite que l'on s'y penche avec un minimum de précaution avant de lancer des scansions toute faite d'une banalité outrancière : "Une femme peut percevoir la masculinité dans le simple fait de repasser une chemise d'homme." (page 37). Je ne vais même pas m'étendre sur ce qui me révolte personnellement parce que c'est mon sujet de recherche, le seul but de cette critique est de montrer que, sous couvert de célébrité, un chercheur peut se mettre à dire n'importe quoi, et presque tout le monde va le gober sans broncher. C'est proprement révoltant.


Tout ce pavé pour vous dire : ne vous laissez pas berner par l'autorité du chercheur, prenez toujours la peine de questionner ce que celui-ci (ou celle-ci) place sous l'autorité de l'évidence. Oh, et ne lisez pas ce livre, il est très mauvais (j'insiste, juste au cas ou).

Xavier_Petit
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le 4 mars 2017

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Xavier Petit

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