l'essaim... de glace

« L’essaim » est le titre de l’éditeur France Loisirs de l’oeuvre originale allemande « De Schätzing ». Les presses de la Cité ont republié, plus tard, ce roman sous le titre « Abysses », qui n’a rien à voir avec le film de J.Cameron.
Lorsque des homards se mettent à exploser dans votre assiette et que le Gulf Stream s’arrête, on se dit qu’il y a un problème. Lorsque des baleines s’allient à des méduses et des requins pour vider les plages et couler tout ce qui flotte, on se dit que c’est grave. Et quand des vers marins rosâtres libèrent du méthane provoquant ainsi un tsunami sur l’Europe, il n’y a plus de doute : le monde marin tout entier se ligue contre la race humaine avec un plan prémédité…
Voilà le point de départ de ce thriller écologique étonnant qui va, pour étayer son propos développer une foule d’autres thèmes adjacents au monde océanique comme la marine US et ses programmes d’entraînement de dauphins ou son système de sonars passifs ; les plates-formes pétrolières et le forage en haute mer ; la navigation hauturière par satellite ; les organismes marins vivants ; les déplacements et mœurs des mammifères marins ; la gestion des ressources halieutiques ; la pollution des mers, etc… Pour traiter chacun de ces sujets de façon cohérente et crédible, l’auteur utilisera ses personnages comme autant de spécialistes venant apporter leur contribution et leur savoir à l’histoire, jusqu’au au dénouement.
Naturellement les personnages sont nombreux – une antisèche servant de signet n’est pas inutile – et la trame romanesque s’en trouve enrichie par leur petits défauts, leurs ambitions, leurs amours, leur passé, etc… ( Ne perdons pas de vue qu’il s’agit tout de même d’un roman et non d’un manifeste écolo de Green Peace )
Avec pareils ingrédients, on a tout pour créer le flop magistral tel qu’ Hollywood en a développé des dizaines sur le sujet. Mais si on les mélange avec intelligence, crédibilité, et en bon dosage, on obtient un roman dense, riche, passionnant, étonnant, incroyablement bien documenté et qui vous rendra addict dès les premières pages.
Globalement, l’ensemble tient parfaitement la route même s’il existe ça et là quelques imprécisions scientifiques, m’a-t-on dit. Mais tout semble rigoureusement vrai ( même ces saletés de vers roses ) et corroboré par les nombreux spécialistes qu’a consultés l’auteur.
La fin, j’en conviens, peut prêter à confusion, voire franchement déplaire mais après 1022 pages, il fallait bien en terminer d’une façon ou d’une autre - et c'est bien la première fois que je ne me plains pas d'un ouvrage aussi volumineux- Je me suis longtemps demandé quelle fin j’aurais bien pu imaginer, mais je n'ai rien trouvé de plus crédible. J’ai donc accepté celle de l’auteur. Après tout, c’est lui qui a écrit le bouquin.
Néanmoins, pour les esprits rétifs, il conviendra d’accepter un postulat de départ sans quoi cette fin risque bien de vous faire regretter le livre tout entier : la terre n’est pas le résultat d’une création divine – à tout le moins, Dieu a un peu bricolé avec des gaz, des protéines et un peu de matière pour lui donner le top de départ – et qu’il existe sur terre des créatures vivantes plus intelligentes que l’Homme – ce qui ne semble pas difficile à accepter –
C’est que, et c’est peut-être la part de l’ouvrage la moins visible mais la plus perturbante, l’auteur semble pris dans le vertige du doute quant à l’unicité de l’Homme ou son mérite à l’être. C’est que Dieu avait déjà une première fois chiffonné sa copie en noyant tout le bazar sous un déluge et que, voyant que sa créature semble condamnée à répéter inlassablement les mêmes erreurs, on se demande s’Il ne serait occupé à remettre ça – Je trouve, pour ma part, assez réjouissant de voir le monde animal se révolter contre la pire espèce du globe, l’Homme, après avoir subi de sa part autant d’outrages. Et après tout, rien ne permet d’infirmer que notre histoire ne serait qu’une simple erreur de la nature, si facile à corriger.