Ne pensez pas vous y arracher les cheveux.
Avec Buffet Froid, La Pêche A La Truite En Amérique et autres joyeusetés absurdes comme fer de lance, je pouvais difficilement refuser une invitation pour assister à une représentation de la Cantatrice Chauve.
Cette pièce de théâtre d'Eugène Ionesco conte l'histoire triviale d'un couple recevant des amis à dîner. Une soirée comme les autres, où les situations rocambolesques d'un Dîner de Cons ou du Père Noël est une ordure sont exclues. Tout va se passer comme prévu, sauf pour vous. Attachez votre ceinture et changez votre sonotone, car vous n'allez rien comprendre.
Les échanges entre les convives sont d'une incohérence exceptionnelle et jubilatoire. Ainsi, c'est dans des dialogues effrénés que cette comédie trouve sa substance. Dans ce déluge inattendu, dire que l'auteur jette la confusion pour ne pas avoir à s'expliquer et passer pour un génie est un raccourci inique. Les non-sens qu'il propage, si on y prête suffisamment d'attention, finissent par devenir totalement cohérents.
Bien qu'il s'agisse de sa première oeuvre, le talent de Ionesco pour confectionner des chevaux de Troie est déjà palpable. Celui de la Cantatrice Chauve tourne en dérision les usages sociaux et les rapports humains. Il gifle par exemple l'extraordinaire faculté que l'homme a d'intellectualiser des faits idiots, son affection incommensurable pour avoir le dernier mot ou son malaise face au silence. Le propos est dense et d'une pertinence renversante.
Les personnages, pourtant très peu caractérisés, vont vite faire fulminer vos zygomatiques. Au hasard, un pompier ultra stéréotypé qui se languit des incendies. Les frileux de Molière et autres langages aristocratiques pénétreront facilement dans cet univers qui tient sur à peine 150 pages.
Ça gazouille à tout va et ça nous roule dans la farine.
Le crâne de la Cantatrice est chauve, sa matière grise est touffue.