La Compagnie noire
7.7
La Compagnie noire

livre de Glen Cook (1984)

On ne sait pas où on va. Donc allons-y...

Parfois, la première impression n'est pas la meilleure.
Le premier tome des Annales de la Compagnie Noire a l'étonnante saveur du bouquin chiant à lire mais pourtant bourré de bonnes idées.


Le pitch est pourtant prometteur :
Une histoire assez singulière de mercenaires au service du mal. Des situations à en horrifier les plus fervents défenseurs de la liberté. Des personnages désabusés pour qui la guerre n'est qu'une profession et le viol des civil un bonus qui vient en prime avec le salaire.
Orienter le roman vers une fiction militaire... l'idée est sublime.


La narration l'est tout autant. Toubib, le médecin de la compagnie de mercenaire, s'avère être un étonnant narrateur. Succin sur les événements cruciaux pour l'intrigue principale, il se penchera surtout sur la compagnie... ses soldats... leur vision du front. Exit la politique ou les héros qui dictent leurs conseils aux rois pour être aux premières loges du récit (comme Tolkien ou GRR Martin).
Glen Cook met son narrateur là où personne ne veut être : sur le front, dans la garnison qui se les gèle par temps d'hivers pendant un siège interminable, ou dans une planque miteuse, à l’affût de la première escarmouche stratégiquement potable à engager. Nous suivons les événements importants de loin par le biais d'une prose synthétique. Ce qu'un auteur classique mettrait 300 pages à raconter (histoires d'élus, de prophéties etc...), Cook le résume en un paragraphe... voir 1 ligne.
C'est très malin.
Car l'auteur sait ce que le lecteur est susceptible d'avoir déjà lu 50 fois par le passé. Donc, Glen Cook va se pencher sur autre chose : les sbires, la bleusaille, le côté technique de la tactique militaire, les préparatifs de guerre, le jeu des retraites stratégiques, les contentieux entre généraux de même allégeances, le mindgame entre les armées... et contrairement à ce qu'on pourrait craindre : c'est très peu descriptif.
Et c'est là que réside le plus grand tour de force de Gen Cook : faire confiance à l'imagination du lecteur pour visualiser, interpréter et déduire du déroulement de l'over-plotting auquel n'assistent pas les personnages principaux. Il donne aux lecteurs deux-trois éléments (sur le Dominateur, les 10 asservis, Volesprit, la Dame... qui pourraient faire l'objet de 1000 histoires passionnantes à suivre) puis laisser un flou sur ce sujet qui va durer plusieurs 100aines de pages et laisser notre jugeote de lecteurs s'imaginer la gueule d'un tel Empire géré par des types répondant à de telles nomenclatures... et c'est amplement suffisant pour être fascinant.
On tire de ça un univers finalement sans réelles limites qui s'adapte au gré de nos fantasmes... et JAMAIS Glen Cook ne vient couper court à notre imagination : il ne fait que l'alimenter avec une parcimonie dans les détails ou les révélations qui arriveront au compte goutte...
C'est frais.
Limpide.
Pas pompeux.
Glen Cook ne tombe pas dans l'emphase indigeste (oui Robin Hobb... c'est de toi que je parle).
Factuel.
A l'essentiel.
Du détail, mais sélectif.


Mais du coup... pourquoi donner 6/10 à un bouquin aussi génial ?
Parce que j'ai mis un temps fou à en comprendre le génie. Tout simplement.
J'ai lu ce 1er tome avec difficulté. Cette narration contre-intuitive m'a très souvent fait perdre patience. Cette guerre prenait des tournant relativement abscons... tout simplement parce que je n'avais plus l'habitude de devoir creuser le bouquin pour en déceler les qualités (qui ne sautent pas aux yeux, il faut le dire).
C'est au dernier chapitre, que je ne spoilerai pas, que j'ai compris la grande ingéniosité de l'auteur. C'est au dernier chapitre de ce premier tome que j'ai obtenu cette clef de voûte sur laquelle reposerait tout l'intérêt que je garderai sur cette série jusqu'à son dernier livre.
C'est au dernier chapitre que j'ai compris que mes efforts de lecture avait payé... car la suite... mes aïeux... la suite est une pure tuerie. Plus aucune lecture n'a la même saveur depuis que j'ai refermé le dernier tome de la Pierre Scintillante (dernier acte terminée de la série).


Glen Cook a su raviver une soif de lecture et d'écriture que je croyais voir se tarir... et pour ça, je ne pourrais jamais assez le remercier.

Zefurin
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le 21 févr. 2020

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Zefurin

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