L'amour, non, le temps, oui
Tout est dit dans le titre du bouquin, il me semble. Gigantesque roman en quatre tomes (je ne critique que les deux premiers, n'ayant pas encore les deux autres), cette somme a déjà le mérite de s'intéresser à une époque qui ne semble pas inspirer les romanciers : à part Hugo et son Quatre-vingt Treize (mangez-en soit dit en passant), aucun écrivain majeur ne s'y est intéressé, et c'est bien dommage.
Ici, le thème ne sert pas de décor. Non, ici, les personnages vivent la Révolution, de ses prémices jusqu'aux derniers aboutissants. Robert Margerit utilise des personnages fictifs qui côtoient de très près les événements. Le roman suit les aventures en parallèle de trois personnages, Lise, Bernard et Claude, qui forment un triangle amoureux (pas de plan à trois dans les deux premiers tomes), chacun aura son rôle à tenir dans cette épopée : Lise défendra ses idéaux féministes (bref, elle ne sert à rien), Bernard jouera au petit soldat, et Claude lui, partira vite pour Paris, là ou tout se joue, et rencontrera ceux qui ont fait cette Révolution, Marat, Robespierre et autres Danton.
C'est la force de ce roman : la reconstitution est criante de vérité. Je n'ose imaginer le travail de documentation qui a du être nécessaire. On suit presque au jour le jour les faits, découvrant finalement que tout ça n'est pas qu'une bande de paysans qui prennent les fourches, mais au contraire est la résultante d'évènements très complexes. Le style est de plus à la fois lisible et détaillé, on s'y croirait, surtout lors des grands moments de bravoure. La prise de la Bastille, le serment du jeu de paume, les déboires du pauvre roi Louis Crois V Bâton ! Pari risqué que celui de mettre en scène des personnages aussi forts, des colosses de l'histoire, mais ma foi c'est réussi : tous sont charismatiques et passionnants sans être édulcorés.
J'émettrais par contre de grosses réserves quand à la démarche de l'auteur : celle d'inclure des personnages fictifs. L'intrigue de Lise et Bernard, cet amour impossible, et ce couillon de Claude, tout cela ne m'a pas vraiment emballé. C'est parfois même d'une niaiserie un peu malvenue, qu'on croirait sortie d'un de ces vieux romans à l'eau de rose. Honnêtement, comment inventer des intrigues parallèles passionnantes, avec un tel cadre historique ? Le tome II corrige en partie cela.
Avis à ceux qui veulent découvrir la Révolution dans ses moindres détails : ce roman est pour vous.