Tout d'abord, il faut savoir que je suis une adepte de thrillers. Après une période de vide littéraire, je venais tout juste terminé la lecture de l'excellent dernier roman de Donato Carrisi, me donnant de nouveau le goût du sang et des tueurs en série. C'est donc pleine de bonnes intentions et d'envie que j'ai attaqué la Terre des Morts.
Mon avis sur ce roman est fort mitigé.
La plongée dans le monde obscur de la sexualité dans un de ses aspects les plus pervers m'a plutôt accrochée, au commencement. Mais sur ce sujet, le roman s'essouffle vite. On ne peut pas vendre son roman comme étant, je cite, "une plongée dans les méandres du porno, du bondage et de la perversité sous toutes ses formes" et abandonner si vite le sujet. Certes, on nous rappelle régulièrement le caractère hyper-sexuel de Phillipe Sobieski, qui, bien que vieux, repoussant et insupportable, accumule les conquêtes. Certes, on rencontre un maître du shibari, cette pratique dont je n'avais jamais entendu parler (un manquement dans ma culture ?) mais qui semble pratiquée par le tout Paris, si l'on en croit les dires du narrateur. Certes, on s'aventure sur les lieux d'un tournage de films X, dans un club de strip-tease, et autres joyeusetés. Mais, en réalité, tout cela manque de contenus. On parle de pratique malsaines et très spéciales qui, selon moi, relèvent davantage de la pathologie que du fantasme. Mais Corso lui même ne semble pas troublé d'apprendre que sa deuxième victime


couche avec des macchabées.


Et comment pourrions-nous être vraiment choqué si celui par qui passe l'émotion ne nous transmet ni dégoût, ni surprise ?
Même problème pour l'avancement de l'enquête. Le narrateur le dit lui-même, l'équipe est harassée, déprimée et vraiment démotivée. Et bizarrement, cette ambiance morne et terne a déteint sur moi. Là où, à l'accoutumée, je me sens exaltée lors d'un rebondissement dans l'enquête, je me suis retrouvée, comme les coéquipiers du héros, vaguement satisfaite de l'avancement des choses.
Je n'ai pas tellement adhéré au dénouement de cette histoire, qui s'est fait à mon goût trop rapidement par rapport au reste de l'enquête. On construit fébrilement un château de cartes, trouvant des stratagèmes pour qu'il résiste aux assauts du vent (toutes les preuves acculant Sobieski, même lorsque Corso doute lui-même), pour au final le détruire et se dire que l'on va faire tout autre chose. Tiens, des dominos par exemple. C'est exactement ce qui se produit à la fin : un enchaînement logique de faits et de découvertes qui expliquent tout, qui entraîne une réaction en chaîne. Tout s'inscrit dans une telle logique que l'on se demande comment le héros n'a pas pensé plus tôt à se rendre dans les familles d'accueil de ses victimes, afin de faire le lien entre elles deux. Et la chute, la révélation "choc" était pour moi trop évidente et ne faisait en rien avancer la construction du récit. Malheureusement, elle a vraiment résonné en moi comme la chute qui devait me faire tomber de haut. Sauf que ce sentiment ne doit en aucun cas intervenir. Tout doit se faire dans l'inconscient du lecteur, et le manque de subtilité évident à casser en moi cet effet.
Pour terminer sur les points négatifs de ce roman, je parlerais de la narration. Ce point de vue est évidemment suggestif au plus haut point, mais j'abhorre la vulgarité dans la narration. Je la trouve appréciable lorsqu'elle intervient à bon escient dans les dialogues (l'élocution d'un personnage nous apprend souvent beaucoup sur lui-même), mais je la trouve déplacée, et même grotesque au sein même d'une narration, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un point de vue externe. Fort heureusement, elle se tarit à mesure qu'avance l'intrigue, laissant place cette fois au style simple et épuré que j'apprécie chez J.C. Grangé.
Malgré tout cela, j'ai tout de même dévoré ce roman en une nuit (mais c'est peut-être mon incapacité à fermer un livre une fois ouvert qui parle). L'intrigue m'a plu, les personnages aussi, même si la vie privée de Corso donnait lieu à des chapitres moins prenants


(jusqu'à ce que l'on en sache plus sur les hobbies de son ex-femme en terme de sexualité, ce qui donne un peu de piquant, et rajoute une dimension sympa à l'enquête, une inquiétude pour sa sphère privée).


J'ai apprécié l'implication de certaines personnes au sein même de la police dans l'affaire. J'ai eu peur que l'on tombe dans le cliché du flic criminel, mais le twist final était plutôt bien tourné. De même que les motivations du tueur et son rôle dans l'enquête.


Même si pour moi, encore une fois, il était de trop d'impliquer Corso dans cette famille "maudite" par le sang. L'auteur aurait tout à fait pu se contenter des trois victimes et de l'assassin, la révélation de l'inceste aurait largement suffit à choquer le lecteur.


Pour conclure, j'aurais préféré une immersion totale dans le monde de la perversion sexuelle. Quitte à en parler, autant tout montrer, et pas seulement y faire une brève allusion par ci, par là. Nous sommes tous un peu voyeur et animé d'une curiosité malsaine pour les choses qui nous dérangent, sinon, nous ne nous serions pas penché sur une couverture représentant une femme nue et ligotée.

Elyabell
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le 17 nov. 2018

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