Les 100 premières pages de La tristesse des anges sont dans la continuité d'Entre ciel et terre. Le style de Stefannsson, pure poésie pour les uns, emphase ridicule pour les autres, s'y déploie dans les menus événements qui se déroulent dans un petit village islandais au coeur de l'hiver. Tombe la neige sur des pages presque blanches. L'ennui guette. Et puis, c'est le départ, une traversée à pied, dans un blizzard constant, vers les inhospitalières contrées du nord, quelque chose comme la fin du monde, et de la vie des créatures qui ont l'outrecuidance de défier ces immensités sans visibilité. Ce voyage est entrepris par Jens, un postier fruste, et le "gamin", le même que celui du roman précédent de Stefansson, qui s'éveille au désir des femmes et se rassasie toujours de poèmes et de sagas. Cet attelage est étonnant et donne lieu à des prises de bec, des réconciliations, à un drôle de trouble aussi, causée par la promiscuité, en pleine tempête. Plus resserrée, moins ampoulée, l'écriture du romancier se fond avec la nature et l'instabilité des conditions météorologiques : puissante, douce, lyrique. Dans ce périple dantesque, nos deux héros croisent des familles de fermiers au bord de la famine et des revenants qui les guident vers le salut ou la mort, qui sait ? Les scènes finales sont haletantes, une course vertigineuse vers l'abîme. Le livre, qui était imprégné par la lenteur, s'emballe soudain. Plus rien ne pourra l'arrêter. Les ultimes mots de Stefansson laissent planer un doute, un mystère qui augure peut-être d'une suite. En attendant, même ceux qui ont souffert à la lecture d'Entre ciel et terre peuvent tenter l'expérience de ce nouveau livre : ils auront du mal, certainement, mais seront récompensés, in fine.

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le 2 févr. 2017

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