En lisant ce fameux "La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert", j'ai eu l'une des expériences les plus "extrêmes" de ma vie de lecteur assidu, je dois l'avouer. Mais je n'ai pas envie de remercier le dénommé Joël Dicker pour autant, car la honte, voire le dégoût que j'ai régulièrement ressenti à lire un livre aussi mal écrit (j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une traduction bâclée, mais non, même pas !), la gêne devant des dialogues qui figurent parmi les lignes les plus ridicules que j'aie jamais lues, ne m'incitent pas à la générosité ! Combien de pages ai-je dû ainsi sauter pour ne pas jeter purement et simplement le livre à la poubelle, je pense en particulier aux atroces recommandations de Harry à son disciple quant à sa vocation d'écrivain, qui feront désormais partie de mes pires souvenirs de lecteur ! Et j'évite même de repenser aux élucubrations de Dicker sur la société américaine (d'un côté les affairistes arrogants de New York, d'un autre les bouseux attardés de province, et entre eux, point de salut, le message est clair et net), tant est nauséabonde cette peinture grossière d'un monde pourri que, visiblement, Dicker ne connaît que par oui dire. Mais alors, me demanderez-vous, comment ai-je réussi à venir à bout d'un tel pavé ? Eh bien parce que, malheureusement, l'énigme "policière" qui est au centre de "La Vérité..." est l'une des meilleures, les mieux construites - avec ce jeu classique mais diabolique entre les époques -, et les plus addictives jamais vues. Ni plus ni moins. La manière dont le récit semble prendre son temps pendant les 3/4 du livre alors qu'il nous livre une montagne d'informations cruciales derrière les rebondissements très prévisibles qu'il ménage, pour entrer finalement dans une accélération furieuse, est tout simplement magistrale. Du coup, même la succession très improbable de retournements que le livre nous assène dans ses toutes dernières pages passe comme une lettre à la poste : du grand art, si, si ! Et si l'on discerne un effet de mode derrière le principe à la base du livre que tout n'est qu'illusion, que rien de ce qui nous est conté n'existe hors de la tête bien amochée de personnages, il est rare que cette vision nihiliste de l'humanité soit conduite de manière aussi systématique vers la destruction totale de la majorité des personnages d'un roman. Alors, au final, une question et une seule : comment le génie de scénariste de Dicker est-il autant antagoniste avec ses capacités - affreusement limitées - d'écrivain ? La prochaine fois, Joël, fais appel à ces ghost writers que tu sembles honnir, pour écrire ton livre à ta place : tout le monde s'en trouvera ravi ! Moi le premier... [Critique écrite en 2015]
PS: au fait, ces prix reçus par ce bouquin, c'est une blague, non ?