La Vraie Couleur de la vanille par le_pou_jaloux

Dans les dernières pages de l’éditions L’école des loisirs de ce roman jeunesse, l’autrice affiche clairement l’ambition de son texte : rendre à Edmond Albius, esclave affranchi à 19 ans sur l’île de La Réunion, ce qui lui revient : sa découverte de la fécondation de la vanille. L’intrigue se construit patiemment à partir la naissance d’Edmond, orphelin découvert par un maître “philanthrope” qui décide de le recueillir et de l’éduquer. Ce maître lui transmet ses connaissances botaniques, et surtout la passion de la découverte. Là où le roman est particulièrement pertinent, c’est justement dans la description de la relation qui unit Ferréol (le maître) et Edmond : l'affection témoignée au petit, alors faible et sous l’emprise de son maître, diminue à mesure que celui-ci s’autonomise, jusqu’à dépasser les bornes de l’entendable pour Ferréol, en réussissant à féconder la vanille, alors qu’en dix ans le botaniste n’y était parvenu. Ressortent alors tous les préjugés racistes du maître à l’égard de son esclave, qu’il ambitionnait de transformer en singe savant, toujours en dessous de son propre génie. En se concentrant sur cette destinée particulière, Sophie Chérer n’omet pas pour autant d’aborder la réalité de la violence esclavagiste, caractérisée notamment par le viol d’Euphrasie, une jeune esclave âgée de 16 ans par un vieux blanc, auquel assiste, caché et sous le choc, le jeune Edmond. L’autrice tisse ainsi une métaphore entre l’exploitation de l’humain par l’esclavage et l’exploitation de la nature par la reproduction forcée des plantes, qui a le mérite de souligner l’atrocité de la vie des femmes esclaves en même temps que l'enrichissement des planteurs grâce à l'exploitation physiques des Noirs et de la découverte spoliée d'Edmond. Le ton, juste, est adapté à un public jeunesse au sens où le roman permet de mesurer les différentes dimensions de l’injustice qui a régné dans la vie du personnage historique Edmond Albius par l’identification du public au jeune protagoniste.

Soit, pour conclure, un roman jeunesse à lire et faire lire pour allier immersion dans le texte littéraire et éducation historique et politique.