Reçu dans le cadre d’une masse critique Babelio, j’avais hâte de me lancer dans la lecture de ce témoignage marquant sur la Corée du Nord et les conditions de vie de ses habitants.
Pays complètement fermé, la Corée du Nord est l’une des dictatures les plus brutales et secrètes qui existe à ce jour. Les droits de l’Homme n’y ont guère leur place et toute influence extérieure est rejetée. Chaque année, de nombreux Nord-Coréens fuient leur pays pour se réfugier à l’étranger. Malheureusement, quitter leur pays n’est pas suffisant pour assurer leur sécurité et ce n’est que le début d’un long périple. C’est ce que va découvrir malgré elle Hyeonseo, une transfuge nord-coréenne qui nous raconte ici son histoire.


Hyeonseo a grandi en Corée du Nord sous le nom de Park Min-Young. Possédant un bon songbun – un système de caste qui permet de déterminer le statut social d’une famille en fonction des actes passés de leurs membres qui ont su prouver leur loyauté vis-à-vis du régime – Hyeonseo avait en quelque sorte un statut de privilégiée. Les activités illégales de sa mère et la position de son père au sein de l’armée lui ont ainsi épargné les pires situations. Son songbun et l’argent de sa famille ont permis de faire taire les soupçons qui auraient pu être éveillés car quoi de mieux pour inciter à fermer les yeux que quelques billets glissés dans la bonne poche ? Que les soupçons reposent d’ailleurs sur des faits avérés ou pas n’a aucune importance dans cette société où il est impossible de faire confiance à qui que ce soit. Le banjang, le chef de l’unité de voisinage, se veut les yeux du gouvernement, quitte à mettre à profit, sournoisement, quelques citoyens.

Hyeonseo fait preuve d’un sens critique très développé qu’il n’est pas forcément bon de posséder dans un pays où la moindre pensée est susceptible de vous faire condamner à mort. Les citoyens nord-coréens n’ont pas de conscience politique. Le gouvernement y veille précieusement par le biais d’une propagande intensive dès le plus jeune âge car ce sens politique serait particulièrement mal venu pour la stabilité du régime. Mais l’adolescente est d’une nature curieuse et décide un jour de franchir le fleuve qui sépare la Corée du Nord de la Chine pour aller voir, juste une fois, comment est la vie de l’autre côté de la rive. Elle ne savait pas que cette nuit là, sa vie en serait complètement bouleversée.


Ce roman était une vraie source d’informations et était très intéressant d’un point de vue culturel. Il m’a permis d’en apprendre plus sur la façon de penser de ces réfugiés politiques et de comprendre pourquoi certains d’entre eux étaient prêts à retourner dans ce pays qui les a tant fait souffrir.
Les Coréens disent souvent qu’il est difficile pour les étrangers de comprendre cette fierté nationale qu’ils ressentent. Les Sud-Coréens comme les Nord-Coréens possèdent les uns comme les autres un amour très fort pour leurs pays respectifs. Même en ayant fui ce régime terrible, l’auteur ne peut s’empêcher d’éprouver un fort sentiment de nostalgie. Après tout, en partant, elle a laissé derrière elle tout ce à quoi elle tenait : sa famille, ses proches, ses souvenirs… et même son identité. Pourquoi est-elle partie ? Non pas parce qu’elle se sentait opprimée – d’ailleurs elle le dit clairement, l’absence de conscience politique fait que les gens ne partent pas parce qu’ils se sentent opprimés mais parce qu’ils ont faim – mais parce qu’elle souhaitait découvrir le monde derrière la rive avant ses 18 ans. En effet, le rapport à la criminalité n’est pas envisagé de la même façon en Corée du Nord. Les différents types de trafics, en particulier celui de la drogue, sont tolérés dans la mesure où ils ne portent pas atteinte au régime. Oublier de souhaiter l’anniversaire du Grand Dirigeant est un crime bien plus grave encore et davantage punissable que de faire passer de la drogue. Quand à la fuite, celle-ci est lourdement punie.
En fuyant son pays, Min-Young s’est donc exposée aux pires châtiments. Pour autant, il existe une forme de tolérance pour les mineurs. C’est pour cette raison qu’elle tenait tant à voir la Chine avant de fêter son dix-huitième anniversaire, persuadée que si elle se faisait prendre par les autorités, il ne lui arriverait presque rien. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était que son départ soit aussi rapidement remarqué. Il ne lui reste alors plus que deux possibilités : revenir chez elle et prendre le risque de s’exposer elle et sa famille à une punition exemplaire ou bien fuir et vivre dans l’espoir de revoir ses proches un jour. C’est cette dernière solution que la jeune femme va choisir. Mais ce ne sera pas facile car si les autorités chinoises se rendent compte de son statut de fuyarde, elles pourraient bien la renvoyer dans son pays… Commence alors une difficile quête de survie mais également la découverte d’un monde totalement différent de ce que le régime lui avait fait croire.
Ouvrant les yeux sur le monde extérieur, Min-Young réalise alors à quel point la Corée du Nord n’est pas « le meilleur des mondes »… Cette douloureuse prise de conscience va la conduire à se battre pour sa famille mais également pour tous ces autres transfuges qui fuient la Corée du Nord et ses malheurs dans l’espoir d’un avenir plus radieux.


Témoignage marquant et bouleversant d’une jeune femme courageuse et déterminée, La fille aux sept noms est également un appel à l’aide et une réflexion sur la situation de la Corée du Nord. Si certains en appellent à la réunification des deux Corées, prenant l’exemple de l’Allemagne autrefois, Hyeonseo Lee se demande pour sa part, si, le temps passant, il sera encore possible de les réunir, alors même que le Nord et le Sud sont devenus si différents.

ManonetMarieDrunkenn
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le 9 nov. 2015

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