La littérature yéménite est peu connue en France pour la simple raison qu'aucune traduction n'existait avant les deux consacrées aux excellents romans d'Ali al-Muqri : Le beau juif et Femme interdite. La collection Sindbad d'Actes Sud nous propose de découvrir un nouvel auteur de ce pays jadis appelé "L'Arabie heureuse." Habib Abdulrab Sarori, qui enseigne à Rouen, n'est pas un débutant mais le seul roman de lui publié avait été écrit directement en français. La fille de Souslov, à travers les souvenirs éclatés d'un narrateur, Amran, qui ressemble fort à l'auteur, retrace 40 ans d'histoire du Yémen, d'abord scindé en deux, puis unifié, jusqu'à la révolution de 2011. Ce n'est pas un cours magistral même si la politique y est très présente sans parler de la religion. Mais le prisme est avant tout amoureux et charnel. "Quiconque n'a pas vécu des amours clandestines avec une salafiste n'a pas connu l'amour" s'exclame Amran au milieu de l'histoire tumultueuse qui le lie à une prédicatrice qui porte le niqab et qui n'est autre que la fille d'un dirigeant socialiste, aimée alors de loin et chastement, avant qu'Amran ne quitte sa belle ville d'Aden pour poursuivre ses études en France. Cette liaison qui n'existe que dans un hôtel de Sanaa, la capitale, est l'occasion de dialogues tour à tour tendres puis agressifs car les deux tourtereaux ne peuvent pas être plus opposés du point de vue politique et religieux, on y revient. Ce duo impossible et leur affrontement fournit en tous cas à Habib Abdulrab Sarori une trame bien utile dans un livre qui semble en faire parfois à sa tête, bousculant une narration jamais tout à fait linéaire et classique. C'est le charme de ce roman, riche d'informations sur un pays qui nous est en grande partie inconnu -et aujourd'hui aux prises avec une guerre sans solution-, au sein d'une fiction "orientale" et insoumise. D'Aden à Sanaa, en passant par Paris.

Cinephile-doux
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes Livres de 2017

Créée

le 28 avr. 2017

Critique lue 298 fois

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 298 fois

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

75 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13