L'auteur fonde sa réflexion sur des connaissances hétéroclites et, volontairement ou non, incomplètes, mêlant le vrai et le faux, ou piochant à torts et à travers dans des lectures parcellaires et exogènes, des souvenirs ou sa connaissance de la religion telle qu'il l'a vue, la voit ou se l'imagine dans le Maghreb (notamment en Tunisie), oubliant les pratiques et interprétations dans le reste du monde et à travers l'Histoire, soit qu'il les ignore, soit qu'elles desservent son propos ou atténuent sa démonstration.


Lorsque, par exemple, il s'agit de faire parler le sentiment d'infériorité des arabes (c'est utile ça, en psychanalyse), il convoque (H)Agar et son origine de basse condition, la vouant à servir, balayant sa filiation princière et l'alliance, entre égyptiens et hébreux, voulue par le pharaon qui confia au couple une de ses filles.
Or, dans son cours, donné en 2009 au Collège de France, « Abraham, la construction d'un ancêtre », Thomas Römer rappelle que cette haute filiation d'(H)Agar est connue des juifs ; tandis que les Chroniques de Tabarit témoignent de la connaissance et de la transmission, au sein des communautés arabes, de la condition sociale élevée de cette amie (et non de cette esclave) de Sarah.


Le voile offre à l'analyste la possibilité de démontrer par quelles prémices l'homme est passé pour dérober la femme aux regards, refoulant l'épisode fondateur (retenu toutefois ailleurs pour alimenter d'autres déductions). Cet épisode est celui de Sarah éloignant (H)Agar du regard d'Abraham (autrement dit le hijab dont la première recouvre la seconde). Une femme, donc, à l'origine du questionnement de l'auteur qui se voile la face et évite de soulever l'analyse freudienne du désir d'une épouse souhaitant soustraire du regard la concurrence.


Au lieu de retenir la volonté de l'homme de dévoiler les femmes qu'il désire (fantasme, luxure ou concupiscence) et de cacher les femmes de son foyer, son épouse et ses filles (contrôle, jalousie, surprotection, lutte contre l'exogamie non planifiée), et plus rarement sa mère (Œdipe), Fehti Benslama préfère analyser ce qu'il croit avoir compris ou vu dans les sociétés qu'il côtoie.
De même, son ressentiment concerne les femmes qui se sont dérobées à sa vue, et le reproche qu'il leur adresse ferait bondir quelques féministes car, en fait, il somme les femmes de se montrer ; il veut, il doit savoir si elles sont belles ou laides, vieilles ou jeunes, c'est son droit d'homme, de ne pas être abusé.


Le voile, toujours (car il semble être obsessionnel dans une bonne partie de l'ouvrage), est censé empêcher un organe virtuel, situé au sommet du crâne, l’œil pinéal (sic!) de la femme, de regarder, ou de troubler le regard, vers Dieu (celui de l'homme n'ayant pas ces néfastes propriétés). L'Histoire indiquant que les hommes étaient tout aussi voilés du temps de la révélation (et ils le sont toujours dans certaines régions), l'analyse de la proposition de George Bataille (de l'œil pinéal) manque d'approfondissement et de clairvoyance.


De la main de Fatima, il fait un universel de la tradition islamique (pourtant limité au bassin méditerranéen), oubliant le (bien plus partagé) superstitieux rapport au mauvais œil.
Des contes des milles et une nuits (sur lesquels il appuie ses réflexions durant la moitié du livre), une source d'explication des tiraillements psychologiques du monde arabe (écartant sans gêne l'origine indienne, puis perse de l’œuvre).


Lire Benslama, ce n'est pas trouver une analyse relative à l'islam ou aux musulmans, mais mieux comprendre les frustrations, les désirs et les constructions mentales de l'auteur, si tant est que cela soit utile à quelqu'un d'autre qu'à lui-même ou à son thérapeute.


Les commentaires commis ci-dessus, déjà pléthoriques, pourraient tenir dans un grand nombre de pages, toutes aussi inutiles et amphigouriques que celles du bouquin auquel ils se rapportent.

erichanif
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le 11 déc. 2016

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Éric L.

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