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Manneville, c’est une maison de famille en Normandie, un refuge à quelques heures de Paris qui accueille les souvenirs heureux de Bruce, ceux d’étés passés avec ses sœurs, ses cousins et ses parents. Manneville, où la vie serait évidemment plus simple tant le quotidien y est si doux, fait de détente et de fous rires, comme coupé d’un monde où tout est plus compliqué, plus sombre et plus fragile pour Bruce.


C’est l’été, et Bruce est en plein deuil de cet ami fauché par une voiture, cet ami avec qui il aura connu les premiers émois, ceux bercés par la candeur de la découverte, quand les caresses et le désir ne compliquent encore rien, n’appellent ni tabou ni vie cachée. C’est l’été, et malgré la tristesse et l’insouciance, Bruce se prépare à quitter Manneville pour l’Angleterre, où ses études le conduiront à Oxford.


Il y fera la rencontre d’Alexander, un grand roux à la veste en tweed respecté pour ses talents sportifs, dans les bras duquel il oubliera ses premiers amours que la vie a contrarié. Alexander, l’ami féringien qui sera accepté par tous, sans que la proximité entre les deux garçons ne soulève de questions, même à Manneville où il est évidemment convié lors des vacances scolaires.



J’ai rencontré l’homme frère, ami, amant. Je l’ai choisi et il m’a choisi.



Pourtant, l’histoire entre Alex et Bruce est impossible, le premier ayant choisi de ne pas affronter le rejet et la vie dans la marge, pour tenter malgré son inclinaison naturelle, d’aller voir ce que l’autre camp peut lui offrir. L’espoir d’une vie normale, d’une vie plus simple, surtout. Bruce va alors profiter de son travail de journaliste pour s’exiler loin d’une histoire dont il n’arrivera pourtant pas à tourner la page. Des Féroé au Mozambique en passant par le Salvador, il parcourt le monde pour l’AFP en tentant, quand l’occasion se présente, d’oublier le bel Alexander dans les bras de garçons d’un soir.



Je marchais le long des arbres, pour me coucher les bras en croix en regardant la nuit. Comme avant cette histoire évaporée. J’étais ridicule ou mort, au choix. Mon ventre se serrait. J’étais seul et ce n’était pas juste.



Cette histoire d’amour bancale est également le témoin, dans les années 80, de l’arrivée de cette maladie terrible qui emportera une flopée de jeunes homosexuels avec elle. Comme si la vie n’était pas déjà assez compliquée des amours contrariés, il aura fallu que la nature s’en mêle. Pierre Cochez signe là un roman tout en mélancolie, à l’écriture doucement poétique, dans lequel il laisse un peu de lui-même avec ce jeune journaliste ayant parcouru le monde. Un roman plein de tendresse dans lequel je me suis laissé bercer sans ennui.

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le 14 juin 2017

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Brice B

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