L'adorable Daniel Mordzinski

A l'amatrice de littérature classique bornée que je suis, Las tres orillas réussissent à ouvrir une porte vers l'envers du papier de la littérature contemporaine. Le projet de Daniel Mordzinski est de faire un tour du monde de la littérature en faisant le portraits des auteurs représentatifs de notre temps. Son appareil ne vise que cet objectif innocent et n'admet pas la discrimination : qu'il s'agisse d'un Luis Sepulveda tellement mythique qu'on le croirait déjà trépassé, d'un Marc Lévy malmené par la frange intellectuelle ou au contraire d'un Mathias Enard présumé futur Goncourt Actes Sud, Daniel Mordzinski met en scène et joue aussi bien avec le personnage de l'un ou l'autre auteur.
C'est un livre que l'on feuillette avec application pour découvrir les visages de noms connus de la radio, des revues et d'internet, et qui donnent étrangement une certaine idée de ce que l'on va pouvoir lire d'eux : Daniel Pennac sur qui l'on chuchote qu'il est exaspérant de suffisance est assis sur un lit à baldaquins chatoyant et semble nous lancer sa chaussure à la figure. Cette bonne vieille Amélie Nothomb se la joue encore creepy-goth dans un cimetière. Bernard-Henri Lévy fait son BG-lover en chemise blanche déboutonnée, clope au bec et téléphone rétro à l'oreille. Ce sont des portraits doucement ironiques et à la fois pleins de gentillesse qui témoignent, de la part du photographe, d'une intention de jouer avec bienveillance de cette image publique qu'ont les auteurs.

Un beau livre apaisant et qui rend curieux.