Roman écrit à la première personne, « Le cirque chaviré » de l'Italienne Milena Magnani nous raconte l'histoire d'un cirque en voie de disparition. Certes, nous ne sommes pas dans le registre du clown qui se suicide devant les dettes accumulées par l'entreprise. Il s'agit plutôt d'une transmission, d'un héritage de toute la tradition du cirque. Le narrateur, le hongrois Branko Hrabal, nous conte comment il a réussi à intégrer un camp gitan dans un de ces pays issus du morcellement de l'ex-Yougoslavie.

Mais il n'est pas arrivé seul. Il est arrivé avec dix cartons. Dix cartons qui contiennent tout ce qu'il reste du cirque de son grand-père. Et même si les gens du camp ne veulent pas de lui, il va rester et résister. Grâce aux enfants, il va vivre en leur confiant la garde de ces dix cartons, son bien le plus précieux, le seul héritage d'un temps révolu.

De ce grand-père, nous apprendrons le triste sort lors de la Seconde Guerre mondiale. A l'époque la cote du tsigane n'était pas meilleure que celle du juif ; leurs trains et leur fin étaient toujours les mêmes. Mais ce grand-père a été trahi, donné pour ainsi dire, par l'homme qui fit la route avec lui, à l'époque où un cirque était encore attendu avec impatience. Cet homme garda les dix cartons durant la guerre, mais aujourd'hui ils sont à nouveau entre les mains de Branko et des enfants. Comment récupéra-t-il son bien, comment la vengeance fut-elle menée ? Autant de questions qui seront peu à peu apportées par l'auteur.

De ce roman, on peut constater que la veine « Histoire des tsiganes, gitans et autres roms » n'est pas encore tarie et suscite toujours l'inspiration des auteurs. Un peuple nomade, apparemment libre a de quoi séduire, en effet. Mais comme pour la plupart des romans traitant de ce peuple, il y est encore question de l'holocauste qu'ils connurent durant la Seconde Guerre mondiale. Certes, oublier le passé ne permet pas de construire un avenir serein, mais pourquoi toujours passer par ces rappels ? On a connu cela au travers des écrivains de la judéité qui n'avaient de cesse de ressasser constamment la Shoah comme un événement fondateur. Maintenant, grâce à des auteurs comme Roth ou Auslander, les démons du passé ne se trouvent plus dans les pages, même si l'oubli n'est pas et ne sera jamais souhaitable.

Enfin, une autre tendance se dégage de ce roman : celle de faire parler les morts. Le narrateur se prend sept coups de couteau juste avant le début du récit. Certes, il est intéressant de découvrir qui est à l'origine de cette agression. Il est curieux et même original de passer du cadavre refroidissant qui parle de ses observations à ses mémoires dans ce camp. Le recours aux morts comme narrateurs a l'avantage d'en faire des narrateurs omnipotents qui détiennent toutes les clés de l'histoire. Il faut cependant que cela retire du même coup une part importante de crédibilité à l'histoire, ce qui est une règle importante à respecter dans le processus littéraire.

Si ce roman est agréable à parcourir malgré les longueurs inhérentes au genre « peuple/tradition en péril », il ne révolutionne pas ce récit qui reste, au final, très ordinaire.
Bobkill
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le 9 nov. 2010

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