Le Dernier Testament de Maurice Finkelstein est « une autofiction, une biographie foireuse » dira de son premier roman Sophie Delassein lors d’une rencontre vidéo (Covid oblige) organisée par Babelio et une masse critique dont j’ai pu bénéficier.
Autofiction, sans nul doute. L’autrice se met en scène et place aussi sous les projecteurs ses proches, sa famille à peine déguisée et protégées, selon elle, par l’humour noir qui est un gage d’amour au sein de son milieu rigide et déjanté (Tous des Ouf ! dira-t-elle d’eux). Assez d’accord avec elle, on ne moque que ceux qu’on aime, les autres, on les méprise, les détruit ou les ignore !
Foireuse aussi cette évocation d’une famille confrontée à la fin de vie d’un vieux ‘mon oncle’ et de son épouse qui ont su faire régner sur le clan la promesse d’un héritage à mériter et n’ont pas été fichu de s’assurer une descendance pour les prendre en charge à leurs vieux jours ! Foireuse par un humour pas toujours digne et respectueux des personnages, l’usage d’un vocabulaire inutilement grossier, voire même une mise en page qui abuse du dialogue en style direct et qui, DE PLUS, L’ECRIT EN MAJUSCULES, HISTOIRE DE BIEN INSISTER AU CAS OÙ CES ABRUTIS DE LECTEURS N’AURAIENT PAS BIEN COMPRIS ! Sur ce coup, pas vraiment en accord avec la plume de l’autrice. Cet aspect relève, selon moi, d’une agressivité latente dont je me serais bien passé.
Mais voilà, on le sait, derrière l’humour et l’exagération se cachent souvent la pudeur et les blessures personnelles qui ont besoin d’être dites sans qu’on ne sache trop comment elles seront perçues. Et c’est bien là que le livre devient touchant, qu’il remplit sa pleine fonction de lien avec la vie, celle de tout un chacun.
C’est que Sophie Delassein a dû affronter la vie, la vraie, celle qui se termine. Entre avoir un oncle riche bien qu’un peu autoritaire et casse-pieds et s’occuper d’un être fêlé par Alzheimer qui se meurt dans un hôpital de la côte d’azur, à l’autre bout du monde de Paris, il y a un fossé que tentent de combler la mise en EHPAD dans la rue voisine et la prise sous tutelle par l’autrice. Un grand plongeon dans la réalité morbide de nos centres de vacances pour vieux où la première des vacances est celle de l’autonomie et du droit de décider de sa vie, de ses actions et, tout simplement, du quotidien. Car dans nos EPHAD, de gentils organisateurs, financiers aussi, ont tout pensé et orchestré pour que nos vieux puissent ne plus penser à rien … eux qui, justement, ont tellement de choses à penser sans plus en avoir vraiment le temps !
Avec humour, on l’aura compris, Sophie Delassein nous conte la découverte de ce nouveau monde. Le roman qui, explique l’autrice, est en fait une nouvelle qui s’est emballée et pour laquelle elle s’est sentie saisie d’une folle envie de raconter ce quotidien en assurant la distanciation nécessaire par le biais d’une fiction où tout ce qui est dit lui est arrivé. Cela donne un bon roman, un bon temps à prendre pour en rire … pour autant qu’on prenne aussi le temps d’y réfléchir. Qu’est-ce que la famille ? Que faire des promesses qu’on y fait ? Quel est l’avenir qu’on projette, pour nous, les autres ? Est-ce que tout cela sera vivable ? Sans humour, non ! Pour le reste, à chacun de construire ce qui, à ses yeux, est le meilleur rêve d’à-venir qu’il peut concevoir.
Merci à Babelio pour cette Masse Critique, aux éditions du Seuil et à l’autrice pour ce témoignage à propos de la genèse de son livre.

Créée

le 24 mars 2021

Critique lue 84 fois

1 j'aime

5 commentaires

Critique lue 84 fois

1
5

D'autres avis sur Le Dernier Testament de Maurice Finkelstein

Le Dernier Testament de Maurice Finkelstein
exuline
7

Le privilège de l'âge, de l'argent et de l'intérêt ...

La première question que je me pose en débutant ce roman : "Est-ce que ce livre est vraiment autobiographique ?" Parce que si c'est le cas, j'aurai aimé en faire autant avec ma propre famille :...

le 23 mars 2021

Du même critique

Charlotte
François_CONSTANT
8

Critique de Charlotte par François CONSTANT

La chevauchée tragique de la Mort qui pousse à vivre. La Mort qui s’approche, s’accroche, fait peur, étouffe, éloigne, rapproche. La Mort qui force Charlotte Salomon, juive allemande, à devenir sa...

le 20 nov. 2014

18 j'aime

4

L'Amour et les forêts
François_CONSTANT
8

Critique de L'Amour et les forêts par François CONSTANT

À travers « L’AMOUR ET LES FORÊTS », paru chez Gallimard en 2014, je découvre l’auteur Éric REINHART. Belle découverte ! Bénédicte Ombredanne est une lectrice de cet auteur. Ayant apprécié son...

le 27 févr. 2015

17 j'aime

4

L'Art de perdre
François_CONSTANT
8

Critique de L'Art de perdre par François CONSTANT

« L’art de perdre » écrit par Alice ZENITER est la troublante histoire du silence de deux nations conduisant à la perte de paroles, donc de mémoire, de trois générations, celles d’Ali, Hamid et...

le 7 nov. 2017

14 j'aime