Le Jouet
Le Jouet

livre de Ardem ()

Tous les ingrédients que met Ardem dans ses bédés sont bel et bien là : grossièreté à son extrême, rapports de soumission violents et une introspection dans la psychologie de l’héroïne. Mais, pour une fois, je ne suis pas totalement convaincu, ni dans le fond, ni dans la forme. Est-ce une question d’humeur? C’est possible.


Mais essayons tout de même d’analyser ce ressenti à l’aulne de faits quant au scénario, au traitement de la conduite du récit et la crédibilité de la psychologie des personnages. C’est sans doute sur ce dernier point que je suis le plus sceptique. Tous les scenarii que nous a proposés Ardem sont par définition, de par le genre et le radicalisme du parti pris, bancals sur le réalisme, dans la psychologie décrite et les interactions violentes entre les personnages. Seulement, la plupart du temps, on passe dessus sans problème. On l’accepte comme un postulat fictionnel et inhérents au genre. On ne s’y arrête pas.


Avec cette bédé, j’ai été à plusieurs reprises stoppé dans ma lecture. Le texte, les pensées de Dorothée ne sont pas aussi naturels qu’à l’accoutumée chez Ardem. Il y a un manque de fluidité à partir de la 2e partie de la bédé quand Dorothée est définitivement passée de l’autre côté de la barrière, en victime “consentante”?


Jusque là au contraire la bédé me plaisait bien. Je trouvais la trame joliment fine, la lente descente de Dorothée, la façon dont elle est tout doucement amenée à pervertir ses relations avec ses deux amis était plutôt bien construite. Bien écrit, plutôt réaliste, tout à fait crédible, car subtilement équilibré.


Ensuite, le récit va trop vite, à mon goût, dans le crapoteux sans que cela soit réellement justifié. Il manque encore deux ou trois éléments pour que Dorothée soit si docile. On n’avale cette pilule qu’avec une espèce d’arrière goût amer. L’amertume de subir un récit expédié trop hâtivement, un peu bâclé.


A y regarder de plus près, toutes les histoires d’Ardem sont sacrément gonflées, presque abracadabrantes, tirées par les cheveux si l’on veut rester dans la mesure et prudent, mais en tout cas, l’habilité de l’écriture parvient généralement à rendre réel l’improbable. Sur cette bédé, cela ne peut pas fonctionner aussi miraculeusement.


Au delà du fond, la forme pêche un peu dans le sens où le dessin d’Ardem me semble manquer lui aussi d’assurance et de maîtrise. Il est juste bon. Ce qui est pas mal. Mais d’habitude je le trouve beaucoup plus net et sûr. Il s’en dégage une drôle de sensation, celle d’un dessin traité avec un soin un peu moins rigoureux. Cela ajoute à l’impression générale de bédé trop vite exécutée, mal assurée. Le dessin n’est pas laid, mais il manque de fluidité, parait un peu figé par moments. L’esthétique a l’air d’être saccadée quelquefois, c’est un peu frustrant quand on aime Ardem.
Captures

Alligator
6
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le 13 juil. 2018

Critique lue 359 fois

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