Si tu pensais que découvrir un nouveau pays, c’était juste une question d’adaptation et d’ouverture d’esprit, Le Muzungu mangeur d’hommes de Joseph Ndwaniye est là pour te rappeler que l’Afrique ne se visite pas, elle te transforme. Et parfois, elle te dévore.
L’histoire suit un jeune couple hollandais fraîchement débarqué au Rwanda avec, dans leurs bagages, un rêve de vie nouvelle. Elle, passionnée et dévouée, trouve rapidement sa place en dirigeant un dispensaire. Lui, beaucoup plus paumé, erre sans trop savoir quoi faire de lui-même. Et très vite, le continent prend le contrôle de leur destin, séparant leurs chemins et brouillant leurs certitudes.
Ce qui est intéressant ici, c’est que l’Afrique devient un personnage à part entière, pas juste un décor exotique pour Occidentaux en quête de sens. Ndwaniye ne nous sert pas une vision édulcorée : il y a la beauté, la richesse culturelle et spirituelle, mais aussi l’incompréhension, le choc des réalités et le poids du regard étranger. Entre séduction et vertige, la frontière est mince, et nos deux personnages vont l’apprendre à leurs dépens.
L’écriture est immersive, sensorielle, et par moments, presque mystique. La nature, la sagesse des anciens, les esprits… tout ça insuffle une atmosphère particulière, où la raison se heurte à l’inexplicable. Mais le rythme du roman, lui, est inégal. L’histoire avance parfois lentement, et le désœuvrement du personnage masculin finit par rejaillir un peu trop sur la narration, au point qu’on se demande parfois où tout cela nous mène.
Bref, Le Muzungu mangeur d’hommes, c’est une immersion fascinante dans une Afrique qui ne se laisse pas dompter, une réflexion sur l’altérité et les illusions des "expatriés en quête de sens", mais aussi un récit qui, à force de contemplation, perd parfois un peu de son impact. Un voyage littéraire hypnotique, mais qui aurait mérité un guide un peu plus resserré.