J'ai souvent été fan de ces histoires qui anticipent la faillite de l'humanité. Bien avant que les zombies n'en deviennent la cause principale dans la production contemporaine. Ici, pas le moindre tendon à l'air, ni le plus petit globe oculaire pendant par le nerf optique sur une joue décomposée, et c'est tant mieux. Juste un survivant au chaos provoqué par une crise économique majeure qui dégénère en guerre atomique par ci par là. Le gars est vigoureux et pas trop sot, si bien qu'il a la malchance de devoir affronter vaillamment la nécrose du tissu social. Finalement, c'est le pire; la famine, la pollution, la solitude ou le froid ont ce petit côté rassurant du fait qu'on les attribue à des causes extérieures. Par contre, notre malveillance collective, elle, fait véritablement froid dans le dos. Et c'est la piste qu'explore l'auteur, professeur de mathématiques dépressif ( on frôle le pléonasme, mais je ne veux pas dire si mon ironie porte sur professeur ou sur mathématiques... devoir de réserve oblige ! ) qui finit par associer la déchéance de l'espèce à la faillite de l'école, sans vraiment déterminer laquelle des deux a entrainé l'autre. Mais il est prof, on lui pardonne. On ramasse un max en ce moment. Nous voilà donc en compagnie d'une sorte de Tom-Hanks-dans-Seul-au-monde des montagnes, occupés à lire par-dessus son épaule le récit qu'il souhaite faire de son errance avant de mourir, parce que les choses ne se présentent pas vraiment bien pour lui. Il le fait de façon enlevée et plutôt synthétique. Parfois cavalière pour ne pas dire trop expéditive. A quoi est donc due cette chute quasi biblique de la civilisation ? Il ne se souvient pas très bien, il a vaguement vu le début à la télé, mais il n'a pas fait gaffe, parce que c'était parti, comme d'autres fois auparavant, de cahots économiques devenus horriblement banals. Il ne s'attarde guère non plus sur les conséquences de la déliquescence sociale. Des gens meurent, tombent malades, s'exilent, se déchirent ou se font massacrer... c'est ainsi, quand tout va mal, tout va de mal en pis. Par contre, tel un Rabelais moderne, il passe pas mal de petits chapitres à décrire l'Ordre, cette communauté assez informelle occupée à préserver le savoir moderne pour une éventuelle renaissance technologique à venir. Là, d'un coup, on sent que ses neurones ont chauffé sur la question d'une organisation idéale, indestructible, fondée sur la connaissance et la bonne volonté. C'est vrai que ça fait rêver, ça, pas comme les soubresauts de la Bourse. Mais dès que ces bases-là sont posées, il passe à la dispersion de ses membres et le récit se précipite vers sa fin, non sans une longue digression sur le fameux paradoxe de Fermi qui donne son titre à l'ouvrage. Si j'en vois l'intérêt intellectuel et spéculatif, je ne peux pas dire que j'aie été convaincue par sa mise en œuvre ou sa résolution. Évidemment, le lecteur est tout à fait apte à participer à ce débat qui rappelle bien des conversations de fin de soirée bien arrosée entre copains, mais quand même, j'aurais aimé un engagement plus ferme de la voix narrative, un parti pris résolu, voire optimiste ( mais c'est beaucoup demander, on dirait... ) puisque cette discussion philosophico-scientifique tourne court et conduit à un épilogue d'une autre main tout aussi terre-à-terre et accablé. Bon, je ne partage pas ( ou plus, j'ai grandi en force et en clairvoyance ^^ ) ce point de vue, mais je n'ai personne sous la main pour en débattre en refermant le bouquin, tant pis. Je vais en ouvrir un autre moins plombé par la sinistrose ambiante, dont il faut bien reconnaître qu'elle a un certain charme mais qu'elle est fondamentalement stérile.

Créée

le 28 mars 2018

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