Alan Lomax,. Le pays où naquit le blues, Saint-Sulpice-la-Pointe : Les Fondeurs de briques, 2012.
Le Pays où naquit le Blues, qu'il écrivit en 1993 au soir de sa vie, est certes un pavé de plus de 660 pages mais il n'a pas l'aridité d'une étude d'ethno-musicologie universitaire. Alan Lomax passionné par les musiques populaires et soucieux "de donner une voix aux sans-voix", nous livre un témoignage passionnant sur la musique du Delta du Mississippi dont les multiples descendants ont conquis le monde.
Cet ouvrage est un livre à entrées multiples :
- Il nous raconte ses «aventures» lors de ses collectages dans le Sud des États-Unis des années 1940 et 1950, où un Blanc ne pouvait être «l’ami des nègres». Il doit, en effet, jongler avec les lois raciales, écrites ou usuelles, face à la ségrégation à double tranchant : interpellé par la police pour être entré dans le ghetto noir ou sur des terres sans autorisation ...
- Il nous livre, aussi, au travers de nombreuses discussions et transcriptions de chansons, un véritable panorama des relations sociales et raciales du Sud des Etats-Unis.
Quand il évoque l'église baptiste, le travail de portefaix sur les fameux bateaux à roues à aubes, le travail sur les voix de chemins de fer, les levées (les digues) ou les fermes prisons, c'est aussi pour nous parler du rôle clé qu'y joue la musique. Les chants de travail (work songs) et les Hollers (chants individuels) servent à la fois à chorégraphier le travail permettant aux ouvriers d'accomplir des tâches quasi impossibles, à supporter un quotidien rempli de souffrance mais aussi à exprimer à mots couverts les frustrations générées par le système de castes du Sud.
Ces formes musicales sont le terreau originel du blues : « Hollers aux notes aiguës issus des champs de coton et des bateaux du fleuve. Grognements de colère et braiments de baudets joués sur des trompettes et des trombones par des hommes qui ne connaissaient pas la façon correcte de jouer mais qui savaient ce qu'ils voulaient dire ».
- Enfin le livre se conclue idéalement par des extraits d'interviews de bluesmen découverts ou redécouverts par Lomax (Big Bill Broonzy, Muddy Waters …).
Le tout est accompagné par un CD (malheureusement trop court) pour sonoriser la lecture pour les plus gourmands rendez-vous sur les deux sites indiqués ci-dessus …
En bref n'hésitez pas à vous plonger dans ce pavé vos efforts seront amplement récompensés !
Si vous n'êtes pas encore rassasiés par cette lecture mais qu'elle vous a au contraire ouvert l'appétit , il existe un autre très bon livre sur le blues et le début du rock : Feel like going home de Peter Guralnick. On y trouve plusieurs portraits "d' illustres pionniers (Muddy Waters, Howlin'Wolf, Jerry Lee Lewis) et de perdants magnifiques (Skip James, Robert Pete Williams, Charlie Rich) qui ont écrit quelques-unes des plus belles pages de la musique populaire américaine."