Ponce vient d’avoir 14ans, et à Moio cela signifie qu’il est majeur. Son frère aîné Léonidas, un paysan rustre et taiseux, décide de se rendre jusqu’à Catane pour y vendre ses oignons rouges. C’est au rythme des pas de la Grise, leur jument bien-aimée, qu’ils parcourent les routes terreuses de Sicile afin de rejoindre la ville. Mais, sans trop que l’on sache pourquoi, Leonidas accepte de cacher des armes et de les livrer à un personnage mystérieux…


Inspiré par un chant de charretier sarde, Xavier Deutsch adopte ici un registre simple et oral qui s’accorde avec le caractère des personnages. Lorsqu'il fait dire à son personnage qu'il suffit de dire les « bonnes paroles au bon moment », c'est à prendre au pied de la lettre. Le roman est en effet constitué de dialogues courts, les personnages étant silencieux la plupart du temps. Et même si Ponce est curieux et bavard, il n’ose que très peu déranger Léonidas dans ses longues réflexions. Toutefois, l’exercice littéraire dû à ces personnages taiseux est très intéressant et l’écriture cyclique rappelle intelligemment celle d'un chant (après tout le livre est titré "cantique"!). Enfin, les mots de l’auteur sont pertinents et l’on y retrouve les teintes ocres des terres de Sicile, présentes sur la première de couverture.


Cependant, les habitudes des jeunes hommes semblent tout à fait en décalage avec notre époque. De plus, le fait qu’ils soient taiseux ne nous laisse que peu d’éléments pour voyager avec eux. Ce n’est d’ailleurs pas le but du roman. Nous avons là un parcours initiatique, un long dialogue silencieux entre deux frères. Ce n’est finalement que le portrait de deux paysans, un peu braves et aux mœurs d’un autre âge. Car si le résumé nous laisse croire à de nombreuses aventures, le roman ne fait qu’effleurer le thème de la mafia et de la prostitution sans jamais entrer dans de vrais enjeux.


Le cantique des carabines est un roman jeunesse, conseillé aux adolescents à partir de 13 ans. Pourtant, il y a de quoi se demander si cette tranche d’âge est vraiment pertinente. En fait il est difficile de savoir à quel public il est destiné. Son écriture est simple et poétique mais son intention est un peu curieuse. L’intérêt du roman initiatique réside dans l’identification au personnage principal. Pourtant le lecteur ne deviendra pas un homme en suivant les aventures de Ponce. On peut même se demander si Ponce devient lui-même un homme. Car bien que ce soit le sujet central du récit, celui-ci reste un adolescent, aux mœurs vulgaires. Son passage à l’âge adulte se résume au fait qu’il doit oser dire aux inconnues qu’elles sont belles, ou plutôt qu’elles ont de « beaux nichons ». Peut-être synonymes de virilité, il semble tout de même que les thèmes des armes et de la sexualité soient un peu faibles pour décrire la vie d’un homme.


Plus poétique que réaliste, ce roman est à l’image des chants dits ‘a la carrittera’ qui servaient à rythmer le travail des paysans. Pas foncièrement mauvais, il semble tout de même plus pertinent que le cantique des carabines soit lu par un adulte plutôt qu’un adolescent car son message peut laisser perplexe. Sa lecture est plutôt agréable sans être poignante et l'on regrettera que les sujets soient restreints aux femmes et à l’argent plutôt qu'au monde de la mafia qui promettait déjà plus de rebondissements.

MarleneRacault
5
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le 20 févr. 2017

Critique lue 268 fois

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