Une reconstitution historique du parcours du Dr Kelley qui s'attarde sur sa rencontre avec les dignitaires nazis de Nuremberg et son obsession de découvrir s'il existe une psychopathologie spécifique chez les fans d'Adolf. Il est toujours intéressant de (re)découvrir l'humanité dans ce qu'elle a de plus banal et de pathétique chez ces grands personnages de l'Histoire : Goering est le second héros de ce récit et c'est donc lui qui bénéficie de la plus grande attention.


Et les anecdotes à son sujet sont toujours hallucinantes, comme cette privatisation à son seul profit du laboratoire qui fabriquait la paracodine, un antalgique auquel il était addict (ou comment un système politique fou encourage le développement de tous ses excès). Mais la vraie complexité du n°2 du Reich est cette association de traits déconnants qui l'avaient déjà conduit plusieurs fois à l'HP, d'un opportunisme hyperadapté et cynique qui lui fait reconnaitre qu'il n'adhérait pas aux théories aryennes antisémites ("une bonne propagande"), d'une immaturité infantile voire puérile (son besoin de se vanter de ses énormes bagouzes, de ses titres militaires fantasques et de l'accumulation de biens pillés) et d'une stature narcissique qui impose sa domination sur son entourage.


Le reste de la petite troupe offre un panel psychopathologique varié, du gars normal au paranoïaque quasi-délirant (Rudolph Hess qui offre lui aussi des anecdotes assez ouf), en passant par l'obsédé de la question juive qui serait aujourd'hui un troll complotiste parmi tant d'autres sur le net (mais encore une fois, il suffit que la société lui octroie une place médiatique privilégiée pour que bim, il ait une promotion génocide). Ce qui ramène à la question du Dr Kelley : sommes-nous tous des nazis en puissance ? Réponse pour ceux qui n'auront pas l'occasion de lire le livre : oui.


C'est un peu plus évident de le dire aujourd'hui (encore que), mais à l'époque, ce n'est du tout ce que voulait entendre les braves Américains. Cette conclusion laissera au psychiatre une vision pessimiste voire cynique de la société humaine, ce qui ne l'aidera en rien à affronter ses propres démons qu'il tentera de tenir à distance avec un hyperinvestissement professionnel quasi-dément (une pensée pour son fils, soumis à un système éducatif de super soldat de la raison) et qui se terminera à la Goering. Merci confrère de conforter l'image du psychiatre (même très compétent) plus fou que ses patients. Ou alors est-ce la preuve que nazi ou psychiatre, nous sommes tous humains ?

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le 10 juil. 2017

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