Es-tu un lecteur médiocre ?

Est-ce que tous les lecteurs se valent ?

Il est évident que non. Et c'est aussi l'avis que Edith Wharton partage dans un tout petit essai : Le Vice de la lecture (moins de trente pages). On peut être un lecteur de très mauvais goût, prendre sincèrement plaisir à lire des fictions futiles. Mais disons que ce lecteur ne fait pas grand mal. En revanche il existe la plaie des lecteurs : le lecteur mécanique. Et lui nuit à la litterature.

Le lecteur mécanique s'oppose au lecteur-né qui lit comme il respire, presque sans y penser, qui dialogue avec les écrivains, qui a un rapport subjectif avec les livres. C'est pour lui naturel. Le lecteur mécanique est cet obsédé de la pile à lire. Il lit par devoir, il est en mission. Le plaisir ne compte pas. Il se doit de lire les dernières sorties, en parler, se mettre en spectacle en donnant son avis. Il voit le livre comme un objet objectif qui flotte dans l'air indépendamment de tout, se forge un avis tout aussi objectif et impersonnel, ne crée aucune connexion entre les livres, pas de relation entre lui et l'écrivain, pas de dialogue. Le livre se finit à ses propre frontières, il ne mûrit jamais. Une fois refermé il est consommé. Et ce lecteur bien identifié fait mal à la littérature.

Le lecteur mécanique consomme plus qu'il ne lit réellement. Il ne vit pas ses lectures, elles se suivent mécaniquement. Il lit par orgueil. Il a permis la production en masse de livres médiocres, d'une critique pauvre qui a réduit la littérature, et principalement le roman, à une bête suite de péripéties où le style ne compte pas, c'est à dire à pas grand-chose. Une critique à l'image de son rapport avec la littérature.

Voilà un avis grinçant qui j'en suis sûr dérangera bon nombre de lecteurs qui hurleront : "mais pour qui elle se prend à hiérarchiser les lecteurs ? ". Pour Edith Wharton, rien que ça.