Dans tous les sens
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le 1 oct. 2017
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On pourrait être indulgent pour ce livre comme on l’est généralement quand on aime un des films auxquels il est consacré.
J’aurais par exemple aimé me dire que l’irritation oculaire provoquée par la police de caractères de l’introduction et de la conclusion (un genre de truc italique et gras pseudo-futuriste où les c et les e sont indiscernables, en jaune sur fond noir dans l’introduction) constituait un hommage au cinéma bis ou ter, mais la laideur du papier et le mauvais goût de la maquette ruinent définitivement cet espoir. Pour voir comment on peut faire dans l’esprit nanar sans produire un livre laid, lire le Livre des mauvais films sympathiques de Nanarland. (En même temps, Hugo & Cie n’est pas une maison réputée pour le soin apporté à ses livres – ni pour la qualité littéraire de son catalogue, mais c’est une autre histoire.) Tant pis.
Les films que vous ne verrez plus jamais propose un choix copieux d’affiches de nanars, en bonne partie des années 1960, comme son titre ne l’indique pas – il est lui aussi raté : l’ouvrage présente des affiches, non des films, et il n’y a aucune raison pour qu’on ne les voie plus jamais. À propos de titre, il faut se dire que ceux de Ton diable dans mon enfer ou d’On prend la pilule et on s’éclate ne sont pas ce qu’il y a de pire dans ces films : les affiches ne valent pas mieux. (J’ose à peine en imaginer le contenu.)
À ce stade de cette critique, ses – hypothétiques – lecteurs ont peut-être déjà les affiches de ces deux films dans un nouvel onglet de leur navigateur internet. Encore quelques heures de recherche, un peu de mise en page, et ils pourront publier un livre comme Les films que vous ne verrez plus jamais. Là réside sans doute le principal défaut du livre : si même les amateurs de navets les plus aguerris en découvriront forcément de nouveaux, l’ouvrage n’offre pas grand-chose de plus qu’une recherche internet poussée. Quelquefois il donne même l’impression d’appeler une telle recherche, comme lorsqu’une affiche particulièrement chargée – mettons celle de She Freak de Byron Mabe –, est reproduite… au format 6×4 cm !
Par ailleurs, le livre ne propose pas de mise en perspective. Le traitement de la matière brute se limite à réunir les affiches, sous forme d’abécédaire, par rubriques d’une ou deux doubles pages : « R comme requin », « K comme karaté », « E comme enfant », « Q comme cul »… Alors qu’il y aurait des choses évidentes à dire sur la plupart des choix opérés par leurs concepteurs – par exemple celles des rubriques « O comme œil » ou de « C comme chat » –, on n’a généralement qu’une esquisse d’analyse : « Quoi de mieux qu’un œil pour générer un soupçon d’angoisse ? Peut-être une main (voir rubrique Main) » (p. 84).
On trouve certes quelques citations de réalisateurs, mais souvent plus décoratives que réflexives : « C’est formidable le cinéma. On voit des filles avec des robes, le cinéma arrive et on voit leurs culs… » (Godard, p. 112). Quant aux informations sur les films, elles se limitent à leur nationalité, leur année de production, leur réalisateur (parfois le pseudonyme). À ce compte-là, autant valait ne rien mettre et laisser au lecteur le soin d’une nouvelle recherche internet – j’écris cela sans ironie.
Cela dit, l’ouvrage se rattrape sur la quantité : à vue de nez, Les films que vous ne verrez plus jamais répertorie quatre ou cinq cents affiches, ce qui est largement assez pour que chaque lecteur réfléchisse. On pourra par ailleurs établir sa propre classification en élaborant des catégories plus ou moins perméables, par exemple entre affiches malencontreusement ratées (les Raisins de la mort ! de Jean Rollin, Mondo pazzo), sabotages délibérés en vue d’attirer le spectateur-gogo (Helga und die Männer de Cämmerer, Teenage Mother de Jerry Gross), putasseries pures et dures (French Kittens, 1976), graphismes seulement datés (l’affiche française du Retour des loups-garous de Paul Naschy ou celle de Mad Love de Karl Freund), idées graphiques intéressantes ruinées par ce qu’on devine du reste du film (99 Women de Jesús Franco, Naked Fog de Joseph Sarno) et finalement quelques trucs pas si laids (The Children de Max Kalmanowicz, The Tomb of Ligeia de Roger Corman ou la Sorcière sanglante d’Antonio Margheriti).
On pourra, naturellement, constituer un palmarès – From Hell It Came et Computer Game sont dans mon top 10 avec Orgy of the Golden Nudes, le Sadique aux dents rouges et The Keyhole.
Créée
le 17 nov. 2018
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