J'ai l'impression d'arriver à la fin de la bataille en lisant ce bouquin 2 ans après sa parution, mais il y a eu beaucoup trop de hype dessus pour imaginer le lire sereinement en plein milieu de l'orage médiatique qui l'a entouré pendant 6 mois, ce qui constitue déjà un trait contestable pour une œuvre se revendiquant militante à ce point. Autant prévenir les rares qui ne l'auraient pas lu : je risque de spoiler sans m'en rendre compte, et je n'entrerais pas dans des polémiques polysémiques.
Je pensais pas l'apprécier après ce que j'en avais vu/entendu/lu un peu partout, principalement parce que justement, les critiques dithyrambiques s'étalaient sur les aspects du bouquins que je redoutais le plus.
Donc oui il y a de la ponctuation balancée un peu partout dans le corps du texte, on saute d'un personnage à un autre aléatoirement et on retrouve pour s'orienter dans ce bouillon littéraire les marqueurs typographiques utilisés dans La Horde. Mais ce ne sont pas à mon sens des qualités.
La qualité du livre réside dans le fait que c'est une belle histoire bien ficelée ( en tous les cas la première partie, disons les 3/4) et qu'on a pas envie de le lâcher, enfin pas toujours. Quand l'écriture est claire et concise, ce qui ne veut pas forcément dire classique, on est prit dedans, on ne veut pas en sortir. Le reste du temps on oscille entre envoyer balader le bouquin ou rigoler tout seul nerveusement.
Le gros défaut de ce livre, c'est qu'A. Damasio écrit bien sur ce qu'il connaît bien : Des quadras sociologues qui font de l'observation participante de communautés autogérées. Pour le reste ... je disais bouaf.
Bouaf, ça veut dire que faire parler un argentin en lui mettant "poco loco" et "enchiliadas" entre les dents toutes les trois phrases, ben c'est limite. Bouaf, ça veut dire qu'inventer du verlan pour Toni parce qu'il vient de la "street", écrire "shlag" -> "schlague", et caser du vocabulaire de "gamer" en random dans ses introspections, ben c'est limite aussi. Et je n'ai pas parlé du slam, parlons du slam ? Non, on ne va pas en parler. Et les caméos ? Non plus.
Le fait est que j'ai apprécié ce qui parait le moins révolutionnaire dans ce bouquin : l'histoire. Pour aller plus loin, j'oserais même dire que le fond a survécu à la forme, sauf la fin, qui s'embourbe définitivement dans un brouillard d'assonances et d'allitérations incompréhensibles cassant le rythme, étripant l'intensité d'une action qui aurait mérité un peu plus de sobriété.
On retient de ce livre les conclusions ethnologiques vertigineuses sur le fondement des mythes animistes, ainsi que quelques saisissantes images de furtifs (haha ...). On aimerait oublier tous les moments gênant de poésie prosée que semblent parfois réciter mécaniquement les personnages.