« Prière pour l’imbécile », « Franchise envers les imbéciles » et « La Défense des imbéciles » : les Imbéciles est une compilation de trois courts essais (une quarantaine de pages écrites gros au total) que Papini a consacrés à un sujet d’une richesse inépuisable, et finalement assez répandu dans la littérature, tant il est vrai que « La grande machine du monde humain ne possède pas de mécanismes plus actifs et plus universels que les idiots » (p. 38). Le contenu, souvent vrai (« Le vieux Voltaire se demandait : “Combien de sots faut-il pour faire un public ?” Et il jubilait en apprenant que les spectateurs parisiens applaudissaient son [sic] Zaïre et son Mahomet », p. 46), est parfois drôle (« Si tout le monde était comme nous, il nous faudrait déployer bien des efforts pour nous sentir dans un état semblable à celui dans lequel nous nous trouvons actuellement », p. 27) mais finalement répétitif.
Il en reste un certain nombre de revendications, que d’aucuns préféreront appeler des fanfaronnades (« Vous êtes morts à l’intelligence comme moi je suis mort à l’imbécillité », p. 9), lesquelles donnent à l’ensemble des airs de réquisitoire contre la bourgeoisie, ou contre le philistinisme, que là encore d’aucuns pourront qualifier d’antidémocratique : « vous acceptez la nouveauté dix ou trente ans après son apparition – nous, après un an ou trois, nous la délaissons pour une autre plus récente » (p. 32)… Car le réquisitoire est aussi un auto-portrait, ce nous au nom de qui Papini prend la parole représentant les « génies », au nombre duquel il se compte évidemment, en tant qu’individu et qu’artiste incompris : « Je suis contraint de détester tant de choses qu’une provision d’amour démesurée s’est accumulée dans mon cœur et je ne sais comment l’employer : pourquoi ne devrais-je pas en dédier une grande part à ceux qui ne peuvent m’aimer ? » (p. 7).
Comme la plupart des gens intelligents, comme aussi ceux qui se sentent, à tort ou à raison, supérieurs à autrui, l’auteur manie aussi bien le paradoxe que le sarcasme – quoiqu’il s’en défende dans le second cas : « Ne croyez pas que je sois méchant ou que je m’exerce au sarcasme. Je vous aime car vous représentez le contrepoids nécessaire au petit nombre et ma pitié est dénuée du moindre sous-entendu. Je vous aime lâchement, aussi parce que je crains votre proximité » (p. 18). Cela finirait presque par donner à l’ensemble quelque chose de touchant : « Je vous assure que même l’intelligence a du bon et que comprendre avec lucidité et profondeur, discerner de nouvelles relations entre les idées et découvrir les faits derrière les paroles procurent une joie telle que je ne saurais la comparer à aucune autre » (p. 10)…

Alcofribas
6
Écrit par

Créée

le 10 août 2018

Critique lue 159 fois

Alcofribas

Écrit par

Critique lue 159 fois

Du même critique

Propaganda
Alcofribas
7

Dans tous les sens

Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...

le 1 oct. 2017

30 j'aime

8

Le Jeune Acteur, tome 1
Alcofribas
7

« Ce Vincent Lacoste »

Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...

le 11 nov. 2021

20 j'aime

Un roi sans divertissement
Alcofribas
9

Façon de parler

Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...

le 4 avr. 2018

20 j'aime