Avant tout, remettons les choses au clair : ce roman n’est pas une épopée sur la Reconquista, mais un prélude fantasmé. Ça change tout. Moi, je voulais des croisés qui déboîtent, des rois fanatiques, des cités en flammes — bref, du drame historique. Ce que j’ai eu ? Une romance douce‑amère avec deux mecs trop honorables pour être vrais et des intrigues politiques en mode 21ᵉ siècle.
Une promesse historique qui se dégonfle
On m’avait vendu un “roman historique déguisé en fantasy”. Ce que j’ai trouvé, c’est une esthétique vaguement arabisante, trois noms de dieux différents pour faire couleur locale et basta. Les Kindath (juifs) sont persécutés parce qu’il faut bien un groupe martyr, les chrétiens et musulmans sont réduits à leurs clichés (intolérance, haine pieuse), et les héros, Rodrigo et Ammar, sont des exceptions lumineuses — trop propres, trop modernes pour l’époque. Pas d’immersion médiévale : ils pensent et parlent comme des gens du XXIᵉ siècle.
Personnages : bons, honorables… et ennuyeux
Rodrigo : mercenaire exilé, archétype du héros chevaleresque. Problème : ce genre de perso, on l’a vu mille fois (Compagnie Noire, Blackwing…).
Ammar : vizir exilé, plus fin, plus intrigant, mais là encore cliché du conseiller politique “trop noble pour son temps”.
Jehane : médecin Kindath, bon personnage féminin mais… la médecine médiévale capable de faire des césariennes et des chirurgies cérébrales ? Faut pas abuser.
Un Moyen Âge idéalisé
Kay gomme tout ce qui dérange : pas de misogynie structurelle, pas de crasse, pas de fanatisme viscéral. Les femmes ont des rôles de pouvoir sans friction, la religion ne pèse jamais vraiment, et la violence sociale (notamment envers les juifs) sert plus de décor que de thématique. On a l’impression que Kay voulait écrire une tragédie romantique moderne en costumes médiévaux plutôt qu’une fresque crédible.
Intrigue : ça ronronne
Les deux héros débarquent dans une cité musulmane. Tout le monde sait qu’ils sont des monstres de valeur militaire… et pourtant, ils ne servent à rien. Deux escarmouches, une romance tiède, un exil qui traîne en longueur. Pas d’épopée, pas de montée en tension : tout se joue dans l’épilogue, et encore. J’espérais du souffle épique façon Reconquista — j’ai eu un roman de transition où l’action arrive trop tard et en trop petite dose.
Ce qui sauve les meubles
Pas de manichéisme absolu : les gentils et méchants sont plus gris qu’ils n’en ont l’air (même si Rodrigo et Ammar restent quasi irréprochables).
L’écriture n’est pas mauvaise : Kay sait installer une ambiance, écrire des dialogues corrects et ménager une tension émotionnelle.
L’idée de reprendre la Reconquista en mode “fantasy alternative” reste séduisante… sur le papier.
Conclusion : déception
Je m’attendais à Erikson ou Scott Bakker : j’ai eu un roman de fantasy romantique vaguement historique. Pas de souffle épique, pas de vraie exploration culturelle, et une modernité anachronique qui casse toute immersion. Ce n’est pas mauvais, mais ça ne tient pas les promesses qu’on m’avait vendues.
GG Kay et moi, c’est mal parti : je tenterai Tigane un jour, mais clairement, ce n’est plus une priorité.