Omniprésents mais souvent laissés dans l’arrière-plan, les animaux familiers sont souvent négligés quand on se étudie telle ou telle civilisation. Ce livre montre cependant qu’ils occupaient une place considérable dans la vie quotidienne des Romains (sans doute plus que dans celle des Grecs).
L’autrice montre ainsi que les animaux familiers sont présents parmi toutes les couches de la société, font partie intégrante de la familia, et que la façon dont est interprété leur comportement les compare souvent à des enfants et est marquée par un fort anthropocentrisme. Il n’y a donc pour les philosophes antiques qu’une différence de degré entre les animaux et les humains. La religion chrétienne, au contraire, affirmera qu’il existe une différence de nature, car l’homme a été créé à l’image de Dieu, et créera une distance nouvelle entre l’homme et ses compagnons à plumes ou à poils. La conclusion est très bien menée et présente une réflexion intéressante sur le rapport des Romains avec leurs animaux (mais cela manque un peu dans le reste de l’ouvrage…).
J’ai donc beaucoup appris en lisant ce livre. Pourtant, j’ai eu bien peu de plaisir dans cette lecture. Il y a d’abord une absence totale de style. J’ai eu l’impression de lire des fiches sommairement mises en phrases.
Le réel travail d’érudition de Jacqueline Amat n’est pas non plus sans défauts. De façon un peu anecdotique, on peut regretter que les sources soient manquantes quand sont mentionnées les connaissances zoologiques actuelles. Et le premier chapitre du livre s’ouvre sur une erreur grossière concernant les Métamorphoses d’Ovide ! Je cite : « Deucalion fabrique un vaisseau sur lequel il embarque, avec sa famille, un couple de chaque espèce animale. » Mais Ovide ne fait nulle mention des animaux, ni de la famille de Deucalion et Pyrrha. Deucalion n’est pas Noé, et son bateau n’est pas une arche, mais, dans le texte latin, une « frêle barque » ! Pas besoin d’ailleurs de créer un zoo flottant : Ovide précise lui-même qu’après que les deux survivants ont fait naître des hommes nouveaux en jetant des pierres derrière eux, « la Terre, spontanément, engendra le reste des animaux aux formes diverses » (« Cetera diversis tellus animalia formis | sponte sua peperit », I, 416-417). Tout cela crée une première impression assez fâcheuse…
J’ai eu aussi l’impression que l’autrice manquait parfois de nuance ; par exemple, quand elle dit : « Descartes osera produire son absurde théorie des animaux-machines ». Franchement, quand on écrit sur les animaux, il serait bon de lire les textes fondamentaux qui en parlent : on pourrait alors voir alors que Descartes n’assimile pas les animaux à des machines, mais qu’il préconise de les étudier *comme* des machines, non pas parce qu’il pense que c’est la même chose, mais parce que cela est selon lui une bonne méthode pour comprendre le fonctionnement des organes.
Mais l’on trouve le même manque de nuance dans la façon de s’appuyer sur des textes littéraires antiques pour établir des faits historiques : ainsi le chien de Trimalcion (appelé dans le livre, par pédantisme j’imagine, Trimalchion) est utilisé plusieurs fois comme référence pour décrire comment était nourri un chien de garde et quel rôle il jouait. Mais dans cet épisode su Satiricon, le chien est surtout une référence à Cerbère et il est donc compliqué d’y voir une représentation réaliste. De même, il est difficile de croire que les remèdes élaborés à partir d’animaux très rares, même s’ils sont mentionnés par Pline, étaient réellement employés.
Bref, j’ai trouvé que ce livre fournit quand même beaucoup d’informations utiles et ouvre des perspectives intéressantes, mais j’espère que le travail, vingt ans après cette publication, a été repris et approfondi, et – pourquoi pas ? – par un chercheur qui sache écrire…