Étrange objet littéraire que ce petit ouvrage, dont le parti pris somme toute assez sommaire fait tout son sel.Le style épuré convient assez bien à la sécheresse du récit,sorte de balade onirique sur la solitude d'une photographe américaine(Francesca Woodman) des années 70. Virginie Gauthier s'empare avec délicatesse de l'histoire de cette solitaire tourmentée pour mieux l'inscrire dans une littéralité de l'absence,cet état mental difficilement descriptible. Quoi de plus audacieux,en effet, que de rendre palpable l'infinie tristesse d'une forme d'oubli de soi-même, d'une intériorité si douloureuse qu'elle en devient accablante?Le malaise qui s'installe parasite alors la moindre ouverture extérieure possible et ne peut que renforcer la détresse intime. C'est probablement ce qui a poussée l'auteure à s'appuyer sur les travaux de l'artiste, exposés pleine page, pour ne pas enfermer cette névrosée dans une psychologie trop sclérosée qui l'aurait irrémédiablement réduite à une simple silhouette, inconséquente.

L'espace mental, s'il n'est esquissé qu'au travers de figures mal dessinées, réduit alors tout personnage littéraire à une simple aliénation. L’écueil est ici justement évité par ces portraits d'une femme libérant son enfermement par la scénographie, postulant du fait que sa singularité ne peut que s'exprimer ainsi. Plus que la réappropriation d'une vie au travers d'un itinéraire particulier, c'est le vide dont il faut remplir les espaces pour mieux supporter sa différence et sublimer son parcours intime qui intéresse la narratrice. Elle réussit,on ne sait trop comment, à tenir la gageure d'habiter ce manque par une écriture précise et tient ce procédé sur un fil ténu (qui manque quelques fois de nous déstabiliser par une ascèse un peu rédhibitoire). Original et déroutant!

Pour un aperçu de ses travaux et de l'univers de Woddman,voici un article passionnant qui en dit beaucoup sur sa personnalité borderline:http://www.espritsnomades.com/artsplastiques/woodman/woodman.html

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le 6 nov. 2014

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