Tout est dans le titre

Qu'on se le dise tout de suite : Long day's journey into night est une pièce de théâtre d'une noirceur extrême. Où l'on passe une journée en compagnie d'une famille tout ce qu'il y a de plus normale, avant de sombrer lentement mais (très) sûrement dans une série de règlements de compte en bonne et due forme.

Au fil des pages, les rancœurs et les frustrations ressortent. La jalousie, l'inquiétude, les reproches et le regret s'invitent à la fête. Amour maternel étouffant et empreint de culpabilité, fratrie qui oscille entre solidarité et jalousie, relations père-fils chaotiques... La plume incisive et talentueuse d'Eugene O'neill se saisit de thèmes très classiques pour nous offrir ici un chef d'œuvre intemporel. La pièce ne tombe jamais dans la caricature ou le manichéisme. Les personnages sont très bien dessinés, tout en subtilité et en contradictions. Leur psychologie est parfaitement développée, rien n'est laissé au hasard dans les réactions de chacun, les gestes ou les nombreuses citations de poètes. Les sous-entendus sont nombreux, les indices sur le passé des protagonistes est distillé avec talent, la tension dramatique est menée d'une main de maître.

Une œuvre raffinée et percutante. Très sombre sans aucun doute, et quelque part frustrante tant elle semble indiquer dans ses dialogues et les situations qu'elle présente la solution qui permettrait de venir à bout de toute ces rancœurs : l'amour. Malheureusement, il semblerait qu'à lui seul, il ne suffise pas à garantir le bonheur de cette famille, déchirée entre des sensibilités, des aspirations et des visions du monde trop différentes.

Car toute la force de cette pièce réside finalement dans ce qu'elle pointe du doigt notre incapacité à communiquer et à faire concorder nos désirs avec ceux de nos proches. Eugene O'neill nous plonge dans un profond désarroi pour une bonne raison : il pointe du doigt notre terrible et indubitable solitude.