J'apprécie beaucoup Jean-Pierre Le Goff pour ses chroniques dans Le Figaro. Sociologue et philosophe français, dans la droite lignée des travaux de Christopher Lasch ou de Gilles Lipovetsky, il analyse avec brio la prééminence de la pensée de gauche dans la société française. L'idée selon laquelle le progrès devrait être permanent et indéfini. Ses articles traitent aussi régulièrement des conséquences de la modernité, du nihilisme actuel sur les rapports humains, les traditions et la culture. Ceci dit j'ai été un peu déçu par ce livre, Malaise dans la démocratie, que j'ai trouvé insipide voire même hors-sujet parfois.


Premièrement, il n'y a aucune analyse politique sur, par exemple, l'état actuel de notre démocratie contrairement à ce que l'on peut imaginer en lisant le titre. L'auteur enchaîne les poncifs sur le comportement individualiste des personnes motivées par un désir insatiable de loisirs et d'objets de consommation. Cette volonté récente de fuir la réalité causée en partie par l'absence de sens qui gouverne nos vies et dont le remède se trouve dans des valeurs refuges telles que les religions 2.0 comme le bouddhisme, la méditation et le yoga. Il évoque également le regain de la vie associative et l'intérêt accru pour le bénévolat même si ce dernier est souvent entaché par des motivations contradictoires. Enfin, il traite vaguement de l'un des points centraux pour qui fait une étude critique de la post-modernité, le narcissisme : trouble très significatif de l'individu déraciné, atomisé en perpétuel recherche de reconnaissance. Le truc, c'est que les deux tiers du livre se consacrent à l'essor du yoga, de la pratique du bouddhisme par les élites bourgeoises ou encore de la popularité croissante de l'écologie et des comportements affiliés. Il s'agit des chapitres "Bien-être" et "Spiritualité". Putain, quasi 150 pages sur l'écologie de merde et le yoga (sur 288 pages au total). J'en pouvais plus ! J'en ai rien à foutre, surtout que quand vous avez lu Lasch et son essai La culture du narcissisme (1979), tout a déjà été dit (et mieux dit, désolé). Là, je suis en train de lire L'ère du vide (1983), c'est pareil. Tous ces sujets sont déjà abordés et bien mieux traités selon moi dans ces deux bouquins. Le Goff fait ici une redite version Eco+ à peine actualisée en 2016. Heureusement que dans sa conclusion d'une quinzaine de pages, très pertinente, Le Goff décide enfin de mouiller le maillot et de se recentrer sur son sujet tout en portant ces baloches vis-à-vis de l'Islam conquérant. Là, clairement il marque des points. Là, j'ai retrouvé le sociologue que j'adore lire dans Le Figaro.


Soyons francs, ce livre ne dit rien de plus que les auteurs précités. Malaise dans la démocratie dit même moins, et moins bien, malgré l'aspect "mise à jour" induit par sa récente parution. Très déçu de voir que pour un sociologue, il n'est même pas tenté d'analyser l'influence des nouvelles technologies sur le comportement des individus et les dégâts que celles-ci peuvent occasionner notamment chez les plus jeunes en terme de développement cognitif. La propension des médias à propager l'instinct grégaire. L'inquiétante solitude amplifiée par l'hégémonie des réseaux sociaux et l'estime de soi sérieusement endommagée par ces mêmes plate-formes. Purée, là il ferait quelque chose d'un peu neuf même si je ne me doute pas que d'autres personnes aient pu écrire là-dessus (ce n'est pas le sujet) mais disons que Lasch et Lipovetsky, eux, n'ont rien pu écrire sur ces thèmes (normal vu les dates).


Au final, je dirai que Malaise dans la démocratie est un ouvrage qui n'apporte pas grand chose à la réflexion et qui, je crois, a surtout servi à l'auteur à arrondir ces fins de mois ou à remplir un calendrier éditorial. Ni bon ni vraiment mauvais, je recommande ce livre uniquement si c'est votre premier essai critique sur l'individualisme contemporain. Si non, fuyez pauvres fous !

silaxe
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le 13 sept. 2018

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silaxe

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