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Une fois précisé que Mauvaise Graine : Deux siècles d’histoire de la justice des enfants (1) se limite à la justice française, et une fois rappelé que les deux siècles en question s’arrêtent à la fin des années 1970 (2), le titre tient ses promesses : c’est un chouette livre. Dans un style d’une élégance qu’on est peu habitué à trouver sous la plume d’historiens, les auteurs parviennent à traiter leur sujet avec concision : c’est approfondi sans être redondant, synthétique sans être superficiel. De même les illustrations : répondant au texte, se répondant entre elles, elles ne répètent rien. (Il n’y a que l’institutionnelle préface – passage obligé ? – qui fasse tache.)
Et l’on apprend quelles furent les conditions de vie dans les différents lieux d’enfermement, qu’ils s’appellent maisons de correction, centres de redressement, prisons pour enfants, centres éducatifs fermés, etc. ; comment la justice des mineurs n’a toujours qu’obéi à un mouvement de balancier entre protection et châtiment – entre jeunesse en danger et jeunesse dangereuse ; quelles figures plus ou moins connues ont jalonné l’histoire de cette justice, de Victor Hugo à Michel Foucault en passant par Euphrasie Pelletier ou Hélène Campinchi ; à quel point cette question est associée à celle de la presse qui, maniant tour à tour l’huile, le feu et l’eau, s’insurgeait avec la meute des honnêtes gens contre l’évolution laxiste des juges, prenait fait et cause contre les bagnes d’enfants ou inventait l’expression blousons noirs à l’été 1959 (3)…
Évidemment se pose la question de l’objectivité. J’imagine bien que des chercheurs qui s’intéressent à la justice des mineurs sont a priori sensibles au sort des jeunes humains dont ils sont amenés à évoquer le sort – de même que le lecteur de Mauvaise Graine restera difficilement sans réaction face à la notion d’« acquitté-placé » (p. 16 sq.), aux délires phrénologiques d’un Cesare Lombroso (p. 63), au contenu des rédactions ou dessins d’enfants qu’on trouve çà et là (3) ou aux conditions de vie dans les maisons d’éducation surveillée (les « cages à poules » des pages 86-87). Mais Mauvaise Graine ne se veut pas un livre noir, ni ne tourne au livre engagé – et évite par ailleurs tout le bullshit médiatique à propos de l’histoire dans lequel se retrouvent généralement les expressions devoir de mémoire, vivre ensemble et démarche citoyenne.
Non, vraiment, un chouette livre.


(1) Enfant au sens juridique, c’est-à-dire mineur.
(2) Rien après. Il y a un moment, disait un de mes profs de lycée, où ça n’est plus de l’histoire, mais du journalisme.
(3) Oui, dès avant Photoshop, le 3 décembre 1960, Paris-Match bidonnait ses photos.
(4) Cf. le poème « Ma Cellule » (p. 38)… J’ignorais par ailleurs que dessiner un héron dans une mare (p. 125) était le signe de « préoccupations sexuelles », mais il y eut au moins un psychologue, dans les années 1950, pour penser cela.

Alcofribas
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le 24 déc. 2017

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