Tout ou rien...
C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...
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le 6 sept. 2013
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Jean Tuan est le fils d'un immigré chinois arrivé en France en 1929, qui épousa une Française. Il a grandi en France, mais retrace ici les relations qu'il a entretenu avec la patrie de son père, au cours des voyages qu'il a pu y faire. Il n'est pas historien, mais s'est livré à des recherches généalogiques et historiques. Ce livre a donc plusieurs axes d'intérêt :
C'est une chronique familiale, l'histoire de l'arrivée en France et de l'installation d'une famille issue d'une minorité souvent qualifiée de discrète.
C'est une réflexion sur les transformations qu'a connue au XXe et au début du XXIe siècle, en particulier depuis la Révolution culturelle.
L'ouvrage est écrit de manière claire, avec quelques répétitions. Le plus gros reproche que j'ai à faire, c'est qu'il n'y a pas eu de correcteur sérieux avant le premier tirage : j'ai passé mon temps, tout en lisant, à corriger maniaquement au crayon la ponctuation défaillante (grosse avarice de virgules). Ce n'est pas tant du fait de l'auteur que de l'éditeur.
Le style de Jean Tuan (abrégé désormais en J.T.) est un peu plat ; dans la partie consacrée à sa famille, c'est un style un peu journalistique, et dans celle consacrée à ses souvenirs personnels, on a davantage l'impression de lire la mise par écrit d'un entretien oral qu'un véritable ouvrage. Il a un tic qui personnellement m'énerve, c'est l'usage immodéré du futur ("et ce personnage deviendra..."), qui pour moi équivaut à une parenthèse malvenue dans la narration.
Il n'empêche que le contenu est intéressant, voire émouvant. On y apprend de petits détails sur la Chine que seul quelqu'un qui l'a pratiquée de l'intérieur connaîtra. L'ouvrage comporte aussi de nombreuses photos de famille.
Pour résumer, Mémoires chinoises est original par son sujet : le rapport d'un Français d'origine chinoise à ses racines, et l'histoire de sa famille. C'est un livre court (160 pages aérées), plaisant, qui montre la culture chinoise d'un point de vue personnel et soucieux d'authenticité.
Je suis maintenant le contenu du livre dans son déroulé.
La préface de 3 pages de Marie Holzman est un bon moyen de voir si vous aimerez le livre, car elle le synthétise commodément.
L'introduction présente brièvement l'auteur et annonce au visiteur qu'il est trop tard pour découvrir la Chine traditionnelle : elle a disparu. Il fait des rappels sur la culture chinoise : importance du nom, prénoms de génération. Coups de patte contre les sinologues autoproclamés, hommage à J.-L. Domenach et M. Holzmann. Mis en garde concernant la Chine moderne.
Chap. 1. Naissance du père en 1901 à Baoding (futur Hebei), au sein d'une famille de 5 enfants, bourgeoisie rurale moyenne ; survol des difficultés de la Chine à cette époque.
Chap. 2 - Départ pour la France. En 1929, le père s'embarque depuis Shanghaï à bord du d'Artagnan, dont J.T. nous communique les caractéristiques techniques, mais surtout les détails des escales (un mois de voyage), probablement rapportées par son père. Hong Kong, Saïgon, Singapour, Colombo, Aden, Suez, Port-Saïd, Marseille. A chaque fois, J. T. fournit un topo du port à l'époque et aujourd'hui.
Chap. 3 - Récit des premières années en France. L'arrivée de Chinois en France remonte à la fin du XIXe, et surtout aux lendemains de la Première Guerre Mondiale. La communauté vend des chinoiseries ou ouvre des restaurants. Le père de Jean Tuan, Shukaï, se trouve un hôtel près de Maubert Mutualité. Un compagnon de traversée, Wang, lui trouve un emploi de serveur. Tête de pont de la famille, le père fait venir le 2e fils aîné. L'immigration stoppe brutalement après 1949 et le verrouillage du pays par Mao. Un oncle de J. T. décide, lui, de rester au pays, les deux autres fils vont s'installer à Taïwan. Au cours des années trente, le père se forme et devient pédicure pour les quartiers chics de Paris ; il compte dans sa clientèle l'acteur Harry Baur. J.T. dit ne pas avoir souffert du racisme et nie l'existence d'une puissante mafia chinoise à Paris. Il raconte ensuite la liaison de son père avec une institutrice, Bernadette. Son père, un Alsacien, n'a en revanche jamais cherché à les connaître.
Chap. 4 - L'après guerre : Shukaï et Bernadette se marient en 1952. Achat d'une 4CV. Premières vacances en province : Château-Chinon, Trouville. Le père aime jouer au jeu.
Chap. 5 - Les années 60. Installation de la famille en banlieue, au Thillay. C'est encore la campagne dans les années 1960, avant la construction de Roissy. Le père écoute Radio-Pékin. Un dimanche sur deux, la famille va à Paris dîner dans le restaurant d'un oncle. Ode aux raviolis. Invitations à l'ambassade de la RPC. Le père, nostalgique, sollicite un visa pour retourner dans son pays natal, qu'il finit par obtenir. Il veut voir sa famille car il est malade, mais on le cache à J.T., encore petit, mais qui insiste pour accompagner son père.
Chap. 6 - Orly, 3 juillet 1967. Voyage marqué par l'actualité : l'escale du Caire se passe peu après la guerre des Six Jours. Le billet coûte très cher. Arrêt à Shanghaï, terminus obligé Accueil par un ballet révolutionnaire. Vol intérieur vers Pékin, à l'époque un petit aéroport. Trajet rural jusqu'à un hôtel réservé aux Chinois expatriés, fliqués par le régime. Emouvantes retrouvailles familiales au siheyuan, maison typique centrée sur une cour. Difficultés pour se déplacer entre provinces (nécessité d'un hukou). Absence de toilette, prise d'eau douteuse que l'on fait bouillir. Mode de vie collectif. Double système monétaire (renminbi/F.E.C.). Une tante enseignante ne va plus au travail (un des collègues a été défenestré par les jeunesses maoïstes). Vie chiche, tickets de rationnement, défilés politiques. Baignade avec de jeunes gardes rouges, près du Zhongnanhai (palais de Mao). Retrouvailles avec l'oncle Shulian, retourné de France en Chine en 1964, et qui regrette ce choix. Portraits d'amis. Inversion des feux car le rouge ne peut représenter l'interdit. Visites de monuments dans Pékin, avec l'aide de relations (guanxi). Retour à Baoding, à la demande du père, mais sans JT. Blackout des Chinois sur les années Mao. Apprentissage des échecs chinois. Pastèques et glaces à l'eau. Détour à l'hopital, où la médecine est satisfaisante et accessible à tous. Lettre codée à la mère, qui vit mal la séparation. Déjeuner au Beijing Fandian, hôtel réputé de Pékin pour les étrangers, où l'on trouve tout ce dont le reste du pays est privé. Diverses visites. Vieux système de bus (les gens sortent le pousser quand il peine). Portraît du Chinois idéal en la personne d'un cousin, Duan Üpru (courage, honnêteté, humilité et empathie). Difficile voyage retour, en passant par Irkoutsk, Moscou, mais attente car il y a le printemps de Prague. Après le retour, mort du père dans un accident fin 1967 et difficile années : la soeur va travailler à l'usine, la mère sombre dans la dépression. J. T. travaille au restaurant l'Empire Céleste (r. Royer Collard). Il devient saisonnier pour la compagnie aérienne UTA, avant d'obtenir un emploi fixe.
Chap. 7 - La Chine de la décennie 80. J.T. se marie. L'oncle chinois reprend contact avec lui en 1980 et il est curieux de revenir. Il obtient un visa avec sa femme. Les vols se sont beaucoup raccourcis (une seule escale). La maison pékinoise n'a pas changé, et l'utilisation des toilettes communes par sa femme blanche fait sensation. Pour préserver son intimité, il se bat pour obtenir une place dans un foyer de travailleurs. La Chine n'est pas encore largement ouverte aux visiteurs étrangers. Visite de la Cité interdite, de l'Assemblée Nationale Populaire. Banquets familiaux à répétition. Diverses excursions : Beidaihe, station balnéaire ; mont Taishan (600 marches à monter). Difficulté à rentrer à cause de la guerre Iran/Irak qui a éclaté.
Second séjour en septembre 1981, partant de Hong Kong, puis en train depuis Kowloon. Le train, avec les catégories "banquette dure" et "banquette molle" (qui masquent hypocritement qu'il y a deux classes), est inconfortable. Visite de Zhuzhou. Patricia, l'épouse de JT, crée des collisions entre cyclistes et fait sensation. Visite de Changsha et ses linceuls de jade. Sahoshan, village natal de Mao. Train pour Pékin.
Noueau voyage en 1983, première année de l'ouverture aux touristes : les hôtels sont débordés. Visite à Guilin, dans le Guangxi. Plat à base de paumes d'ours. Visite au Yunnan, très riche en minorités. Kunming, Chongqing (où un hotel leur propose deux lits de camps). Site des Trois Gorges impossible à voir, car surbooké. Chengdu, capitale du Sichuan, puis de là à X'ian, hélas non autorisé pour les voyageurs seuls.
Retour en 1988 (cadeau d'une télé couleur à l'oncle). Visite à un temple taoïste. Hangzhou, son lac, son atmosphère charmante, quelques soucis avec les autorités. L'année suivante, le climat est pesant après Tien Anmen.
Chapitre 8 - 1992-1993, Institut des langues de Pékin. Septembre 1992, JT part pour une année apprendre le mandarin. La Chine se convertit au capitalisme, à l'enrichissement. Certains vendent des paquets de cigarette dans la rue. Les jeunes couples sont DINK (Dual income, no kids). Les petits poële à charbon sont très polluants. Hôtesse d'ascenseur. Belle rencontre avec un autochtone, qui invite à un repas de famille. Idem, enthousiasme d'un tailleur, qui ne fait pas payer un costume à son premier client étranger. Formation au Beijing Yuyan Xueyuan (Institut des Langues de Pékin), avec d'autres expatriés. Retour après un an.
En 2002, expédition dans le Hunan, chez des cousines. Difficulté à faire venir des amis chinois en France en 2010.
Chap. 9 - L'éloignement d'avec la Chine. Déception face à une Chine plus ouverte sur le monde, mais qui oublie ses qualités d'hospitalité au profit de l'enrichissement rapide.
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le 18 août 2017
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