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« Mes amis ne savent pas lire » est un millefeuille allégorique. J’ai reçu ce livre de Benoît Toccacieli comme une invitation à chercher profondément qui est l’homme, la femme que je suis. Celui ou celle qui est mais aussi a été et peut devenir. Et cette introspection ne peut se passer d’une mise au point topographique me situant par rapport aux autres, ceux qui me sont ou ont été proches, ceux que je connais comme ceux que j’imagine, ceux que je croise et avec qui je fais un bout de chemin… ou non.
Cette vaste quête du moi, Benoît Toccacieli l’installe dans un récit simple à suivre mais riche ! Le lecteur y entre facilement, d’autant que plusieurs portes lui sont offertes. De la posture qu’il adoptera, dépendra, chez le lecteur, le regard qu’il portera sur cette recherche symbolique de l’humain. Il pourra s’identifier à Jean-Philippe, ressentir, comme lui une difficulté de communication à dissimuler sous un amour factice de la solitude. Ou plutôt s’identifier à cet écrivain, cherchant l’inspiration pour noircir les pages encore blanches d’une histoire qui trouverait sens à son besoin d’être publié alors, qu’en fait, son besoin profond est peut-être de pouvoir s’identifier à quelqu'un qui donne sens à la vie. Possibilité aussi pour le lecteur d’opter pour le personnage de Maud, accompagnatrice de bien des détresses humaines, environnementales et des manques qui marquent des vies au fer rouge d’une envie inassouvie.
Tous ces personnages, internes à l’histoire et sans oublier la clarté de vision du monde de l’aveugle assise sur son banc au pied de l’église, tous ces personnages développent des sensibilités qui se croisent, se tissent ou se défilent et racontent tous la même histoire : on est à la fois ce que le passé a fait de nous mais aussi la résilience qui nous permet de rebondir, de clôturer ces ilots d’irrationnalité qui ont imprimer nos vies et de nous ouvrir à de nouveaux possibles, au-delà des peurs, des doutes, des blocages qu’il nous faut prendre le temps de déverrouiller patiemment.
Je rassure les lecteurs, l’histoire est simple à suivre. Ce qu’en dit l’éditeur permet à tous de suivre les pas de ce Jean-Philippe, routinier solitaire qui aime lire et offrir ses lectures à des amis peu ordinaires. Sa fragilité due à un handicap rendant la communication difficile pourra-t-elle s’effacer face à la simple rencontre d’une Maud, capable de briser cet équilibre instable ? Il suffit de lire pour découvrir si la confrontation aux regards des autres est une clé suffisante pour s’extraire de la solitude. C’est donc bien, comme le dit l’auteur, un roman sur l'amour et l'oubli, sur la vie et… Mais aussi la mort.
Pourquoi ai-je qualifié ce récit de mille-feuille allégorique ? Tout d’abord, je m’en suis expliqué, parce que ce roman est stratifié par l’apport des personnalités riches, complexes des personnages successifs que l’auteur glisse sous les pas du lecteur. Mais c’est aussi parce que Benoît Toccacieli a la bonne idée de citer un nombre impressionnant d’auteurs à travers des livres classiques sans être poussiéreux et des titres récents, modernes qui illustrent des vérités sur la vie qui ne sont pas spécifiquement liées à leurs époques. L’allégorie est là, par la portée symbolique des extraits choisis, à bon escient, qui ouvrent la vie des personnages à des vies ou des morts plus grandes qu’eux-mêmes.
J’ai aimé, beaucoup aimé ce roman, la plume ferme mais souple, riche de littérature et inventive de Benoît Toccacieli. Un nom à suivre.


Je pourrais aussi faire une brève analyse de ce qu’évoque pour moi la couverture. Pleine de mystères, elle nous dit à la fois la fragilité de l’Homme pouvant difficilement se tenir debout et la pérennité de l’arbre qui, bien que semblant mourir, dénudé de ses feuilles, reste encore droit, phare-repère et repaire pour qui vient s’appuyer sur lui. Mais il y a tout de même la fissure, celle qui rappelle que toute force, toute stabilité apparente peut être mise à mal, abattue. Et c, malgré une bande de ciel bleu dont on ne sait pas toujours déterminer si elle est du domaine du rêve ou de la réalité. C’est donc à l’Homme, même fragile, de décider quel statut il donne à l’espoir…

François_CONSTANT
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le 29 juin 2019

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