Livre lu en VO.

En commençant cette autobiographie, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Je me demandais comment allait être dépeinte la vie d'un esclave, ses maîtres, ses tâches, les relations qu'il entretenait avec les autres esclaves. Je ne connaissais de l'esclavage que quelques notions (et notamment les dates d'abolition de deux ou trois pays) sans jamais avoir eu d'exemple concret. J'en avais une vague idée grâce aux films que j'avais pu voir mais cela s'arrêtait là. Je parle de l'esclavage en lui-même, de ce que les esclaves subissaient au quotidien, du point de vue intérieur du phénomène, c'est un aspect rarement vu bien qu'on en connaisse tous les bases et les généralités.

Puis en débutant ma lecture, je finis par me rappeler que j'avais déjà lu un écrit de Frederick Douglass, un extrait d'un autre de ses romans. Il s'agissait de la partie où il raconte comment il s'est évadé. Encore une fois, ce n'était pas l'esclavage en lui-même, c'était la façon dont il s'en était échappé. J'étais donc intriguée de découvrir une partie de sa vie de tous les jours, comment voyait-il sa condition et comment en est-il venu à envisager la fuite. Je me suis également demandée quel trait allait-il choisir pour décrire ses maîtres et ce qu'ils lui faisaient endurer.

Je pensais me retrouver devant un écrit plein de haine pour les hommes et les blancs et surprenamment, ce ne fut absolument pas le cas. C'est d'ailleurs un des plus gros points positifs de cette autobiographie. L'auteur ne s'attarde pas que sur les mauvais côtés de ses maîtres, il prend également le temps de citer leurs qualités et ce qui fait que sa situation n'était pas pire que celle d'un autre. Frederick Douglass est un être profondément optimiste, qui ne veut pas voir que le mal dans les hommes et l'espèce humaine en général. Il considère certains de ses maîtres comme étant des monstres et des hypocrites, néanmoins si certains d'entre eux font preuve de plus de clémence et de « gentillesse » (ce mot est tout ce qu'il y a de plus relatif dans le contexte de l'esclavage), il le mentionne. Il voit l'esclavagisme comme une source du mal, qui peut corrompre même les personnes les plus généreuses. Lorsque l'individu se retrouve soudainement avec tous les pouvoirs en main, il finira toujours par se laisser emporter et franchir la limite où le retour en arrière n'est plus possible. Même quand une personne n'a encore jamais eu d'esclave, sa douceur et complaisance font rapidement place à la méchanceté et à ce besoin de dominer l'autre, d'avoir l'avantage. L'esclavage pervertit la nature humaine.

Un esclave heureux est un esclave qui ne pense pas. Un esclave heureux est une personne assujettie, qui n'a pas le temps de penser, qui n'a ni le temps ni l'envie d'envisager sa situation autrement. L'auteur lui-même se rend compte que quand son moral est au plus bas, que quand il est battu si souvent que la douleur ne disparaît jamais, il n'a plus la force de se révolter contre sa condition. Il est brisé de l'intérieur. C'est en voyant cet abandon temporaire face à lui-même qu'on réalise à quel point sa remise en question et son courage sont impressionnants. Il s'est battu pour s'en sortir, pour élever son esprit, pour s'instruire ; cela a pris du temps et il dut ruser la plupart du temps afin de ne pas se faire prendre mais il voulait être autre chose qu'un simple esclave, un homme inculte et ignorant. Sa condition ne devait pas définir l'homme qu'il souhaitait devenir. C'est cette force interne qui est admirable. Il n'a jamais renoncé, jamais abandonné.

En conclusion, cette autobiographie se révèle être beaucoup plus optimiste que ce à quoi je m'attendais. Frederick Douglass n'est pas homme à haïr les autres. Sa condition n'en a pas fait une personne aigrie et haineuse mais bien un homme résolu à faire cesser ce massacre. J'ai beaucoup aimé ce « témoignage de l'intérieur » qui nous en apprend plus sur la condition de l'esclave. L'auteur donne des anecdotes tout au long de son ouvrage afin d'étayer ses dires et de montrer qu'ils sont vrais et non inventés de toute pièce. Il répète plusieurs fois ne pas vouloir donner le nom de certaines personnes impliquées dans sa fuite, au cas où celui puisse toujours leur être préjudiciable. C'est un être profondément reconnaissant de l'aide qui lui a été apporté pour s'échapper. C'est un homme bon et plein de ressources, un véritable exemple.
Aunbrey
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le 16 sept. 2013

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