L’amateur de photobooks signés Araki le sait, il est parfois frustrant de ne pas avoir accès à de traductions de ses livres en français. Je dis bien « traductions » et non pas « publications ». Des livres faisant découvrir des facettes de son œuvre, l’amateur occidental en a. Mais il suffit d’avoir entre les mains des titres japonais pour s’apercevoir qu’Araki aime souvent à commenter ses images, à raconter les circonstances dans lesquelles elles ont été prises, à préciser ses intentions en tant que photographe, à tel point que le texte supplante parfois l’image. Plus d’une fois je me suis fait avoir en commandant un livre sur Mandarake ou sur Book-Off, m’apercevant à la réception du colis que le livre était constitué à 80% de textes, évidemment japonais, pas bilingues comme cela peut être le cas chez Taschen. Frustrant.


Bref, c’est dire si cette Leçon de photographie intégrale publiée par les éditions de l’Atelier akatombo est précieuse. Sorti en 2011 au Japon chez Hakusuisha sous le titre 完全版 写真ノ話, l’ouvrage fait un panorama autobiographico-pictural de l’œuvre d’Araki, abondamment commenté par lui-même.


On y trouvera plusieurs entretiens avec Susumu Watada, mais surtout de nombreux commentaires sur des photos importantes aux yeux du maître (336 photos en tout). Le ton est familier, volontiers chaotique, la démarche des traducteurs ayant été manifestement de reproduire l’oralité du personnage. Et pour peu que l’on connaisse la voix et le débit du personnage, on a très vite l’impression de l’entendre causer, un peu comme s’il était juste à côté de nous en train de feuilleter un album de photographie. Cela n’est pas sans charme, même si cela peut aussi agacer, le parler arakiesque n’étant pas sans exercer un certain radotage brumeux.


Il n’en demeure pas moins qu’on sort de la lecture de ce livre qui couvre les années 1963 à 2010 avec une image assez précise du personnage. Ce dernier nous raconte aussi bien son amour pour Chiro, sa célèbre chatte qui a donné lieu à plusieurs photobooks, l’importance de Sentimental no tabi – le livre manifeste lié à la mort de sa femme – mais aussi son goût pour pour les photographies de ciels, son amour des femmes (souvenir ému de son Fūjo consacré à des MILF anonymes qui ont désiré se faire prendre en photo en tenue d’Eve), de certains quartiers de Tokyo, etc. C’est parfois un peu chaotique, ça foisonne surtout avec le bagout du bonhomme, mais au final c’est une porte d’entrée très intéressante pour quiconque aimerait découvrir son œuvre. Pour l’approfondissement, il faudra investir dans d’autres livres car les reproductions en miniature s’avèrent évidemment un peu frustrantes.

Cela dit, ces reproductions n’empêchent pas non plus une certaine qualité. Ce qui frappe dans cet ouvrage c’est l’excellente qualité du papier glacé et la finesse des reproductions qui permet largement de contenter la curiosité du lecteur, en attendant mieux. Et si vous ôtez la jaquette, surprise ! vous découvrez alors sur la reliure une photo du quartier d’Ochanomizu. Un bel objet en définitive, à tel point qu’on en viendrait à souhaiter que l’Atelier akatombo se lance un peu plus dans l’aventure de la publication de photobooks, et pas seulement d’Araki.



Créée

le 11 avr. 2023

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