Deux adolescents de bonne famille, Nathanael (le narrateur) et Rachel, sont abandonnés par leurs parents, qui les laissent sous la garde de deux étranges individus, "Papillon de nuit" et Dard. Nous sommes à Londres, en 1945, au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Et pourtant, les lumières de la guerre ne sont pas encore totalement éteintes. Plane encore dans ce monde d'après-guerre un parfum de destruction, de danger et de bravoure.


Nos deux protagonistes plongent alors dans l'univers trouble de leurs nouveaux anges gardiens. Ils fréquentent les salles de danse, travaillent la nuit dans des restaurants, participent à un trafic de lévriers dans les confins de la Tamise. Michael Ondaatje livre un portrait vivant de ce monde sous-terrain où la frontière est fine entre ce qui est légale et ne l'est pas.


Peu à peu, le lecteur se rend compte que le véritable sujet de ce roman n'est pas le Londres underground mais l'Angleterre post-guerre, un pays qui s'est plongé corps et âme dans une lutte désespérée pour sa survie, un pays dont chaque habitant a vécu sous la crainte des bombes, une nation où de nombreuses personnes se sont transformées en héros.


Ombres sur la Tamise est ainsi le portrait de ce pays qui essaye de se reconstruire et de retrouver un sens à la vie. La mère de Nathanael et Rachel, Rose


, qui se révèle être une héroïne de la Seconde guerre mondiale et un membre renommé des services de renseignement,


est l'incarnation de cette difficile voire impossible transition du temps de guerre vers le temps de paix.


Roman hybride, à la fois livre d'initiation, récit historique et roman d'espionnage, le nouveau roman de Michael Ondaatje est passionnant à lire.




" En écrivant ces lignes, des années après les faits, j'ai parfois l'impression de le faire à la lueur d'une bougie. Comme si j'étais incapable de voir ce qui se trame dans le noir, au-delà des traits de mon crayon". (p. 41)


" Depuis, les usines d'armement avaient été démantelées et les canaux inutilisés s'ensablaient, rétrécissaient, leurs berges embroussaillées. Et, les week-ends, c'est sur ces eaux-là que Rachel et moi, les acolytes du Dard, voguions en silence, les oreilles pleines du chant de nouvelles générations d'oiseaux". (p. 104)


" J'avais beau me poser toutes sortes de questions à propos de nos vies, il n'y avait ni rues ni ruelles envahies par le brouillard dans lesquelles chercher des indices sur l'endroit où se trouvait ma mère". (p. 111)


" Nos regards se croisèrent et restèrent figés. A cet instant, les mots étaient trop risqués. Notre enfance avait été entourée de non-dits et de silences. Un peu comme si on ne pouvait que deviner ce qui restait caché, de la même façon que nous avions dû interpréter le contenu muet d'une malle. Il y avait longtemps que, au milieu de ces confusions et de ces silences, nous nous étions perdus, elle et moi". (p. 153)

Zeldafan70
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le 3 août 2019

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