La rentrée littéraire sur les radios de l'Arc jurassien
A quoi bon passer la nuit alors que les jours s'écoulent lentement et se ressemblent ?
Alors que le rituel matinal laisse la place à des heures vacantes interminables, pour péniblement atteindre le soir et le moment de s'endormir ?
La narratrice passe ce temps entre son appartement – son lit – et le café d'en face, entre cigarettes et caféine, pour combler des journées vides de sens et d'envie quand son corps reste désespérément attiré par l'immobilité. Les jambes luttent, douloureuses, elles aimeraient s'étirer, bouger, jusqu'à ruer. Marina de Van utilise la comparaison animale pour parler de ce corps qu'elle sangle dans des positions statiques interminables.
Parfois, l'envie de se frotter à se faire saigner se fait ressentir, et elle se mord l'intérieur de la bouche jusqu'à entendre sa chair craquer et le goût du sang lui couler sur la langue. Ca la rend vivante, la douleur prouve qu'elle existe, qu'elle est encore capable d'éprouver quelque chose. Ce masochisme est agréable, parce qu'il perce la couche brumeuse de la journée.
Elle parle beaucoup du lait, de la couleur blanche, en opposition à des couleurs vives qui explosent dans le désordre de l'appartement ou dans ses rares souvenirs d'enfance.
Le lait voluptueux dans lequel elle s'enlise, jour après jour, avec force calmants pour éviter les tremblements qui s'intensifient.
Plus que la solitude, c'est le désœuvrement qui la fait souffrir, mais elle ne sait pas comment lutter, elle s'enfonce dans des heures de contemplation de sa cour intérieure, sans pouvoir esquisser le moindre mouvement. L'envie est là, mais le corps ne suit pas.
Marina de Van excelle à projeter les douleurs physiques et psychiques de sa narratrice. Elle tend à nous immerger dans ce mal-être, cette confusion latente de l'action, quelle qu'elle soit.
Et bien plus qu'une introspection, elle parle de ce corps qui lui est presque étranger, qu'elle aborde à la manière de son film, Dans ma peau, où elle incarnait une jeune femme qui découvrait son corps en s'automutilant. Loin d'être dégoûtante, cette approche est d'autant plus intéressante que l'on se situe au cœur du malaise, bien avant le passage à l'acte irréversible.