François Veillerette est le président du Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF). Inutile de dire qu'il est écologiste et, peut-être, un promoteur de cette mode fumeuse qui s'appelle le développement durable. Sur ce point je n'ai pas pu me faire de jugement. Mais nous nous arrêterons surtout pour sur son rôle d'administrateur du réseau international Pesticide Action Network Europe (PAN Europe). Cette organisation dénonce les campagnes d'utilisation de pesticides modernes qui causent de nombreux problèmes de santé à l'homme et menacent durablement l'équilibre écologique de notre monde. Elle promeut également le recours à des produits plus naturels, d'origines minérales ou végétales, afin de pérenniser tout simplement la vie terrestre qui est mis en grave danger par l'industrie agro-chimico-alimentaire.

L'auteur avait précédemment rédigé un ouvrage que j'ai lu la semaine passée et qui s'intitule « Pesticides, le piège se referme ». Edité chez nos amis de Terre Vivante, cet ouvrage a été un des premiers ouvrages traitant des pesticides destiné au grand public. Il faut cependant préciser qu'il est assez rebutant. Non sur les constats alarmants qu'y fait François Veillerette, mais sous le torrent de chiffres, tableaux et statistiques, il y a de quoi ne pas motiver le lecteur. Je pense que François Veillerette a bien compris la faille et il s'est associé à un journaliste, Fabrice Nicolino, qu'on a pu lire dans Politis ou le Canard enchaîné. De cette association est né « Pesticides, révélations sur un scandale français » où les connaissances de François Veillerette sont devenues plus digestes au contact de la plume de Fabrice Nicolino. Souhaitons que cet ouvrage devienne un succès de librairie car il est temps que le grand public comprenne à quels dangers il est exposé, même s'il ne vit pas à la campagne.

Construit comme un roman, on découvre au fil des pages la genèse, d'abord de la dénonciation des pesticides puis des études scientifiques prouvant leur implication dans de nombreuses pathologies. Il faut d'abord préciser que, par pesticide, il faut entendre trois grands champs d'utilisation : les fongicides qui tuent les champignons, les herbicides qui s'attaquent aux mauvaises herbes – et souvent aux bonnes également – et les insecticides qui font la peau aux bestioles. L'aventure commence au début du XXème siècle quand on inventa le gaz moutarde. En effet, ce qui vous « nettoyait » une tranchée sans effort pouvait fort bien se voir employer en agriculture. L'agriculture, depuis, profita de tous les « progrès » de l'industrie chimique, du DDT à l'agent orange jusqu'au fameux Round-up de Monsato – qui produisit en grandes quantités les deux produits précédents histoire principalement de se faire la main et accessoirement d'aider le pays à détruire la vermine Viêt-Cong – connu également sous le nom de glyphosate.

Le scandale français est déjà dans la sourde oreille que prête les politiques à ceux qui les alertent des menaces écologiques. Il en fut des pesticides comme de l'amiante. Si cette dernière est à l'origine d'un cancer très caractéristique, les pesticides ont des actions souvent diversifiées, difficilement imputables à ces seuls produits et qui, en cocktail peuvent devenir purement explosifs en matière de santé publique. Mais l'important, pour les hommes politiques est avant tout d'être élu et soutenu, même par les puissants lobbies de l'agro-chimie.

Un exemple flagrant est celui du gaucho et du regent. Ces deux insecticides fabriqués par BASF et Bayer ont coûtés une fortune pour leur mise au point et représentaient un « progrès » dans le traitement de certaines céréales et oléagineuses car les semences étaient encapsulées dans leur dose de pesticide bien avant d'être mises en terre. Lors de la pousse, le principe actif se développait dans la plante en même temps qu'elle. Malheureuses abeilles. Oui, des millions, voire des milliards d'abeilles françaises en firent les frais en payant de leur peau leur métier de pollinisatrices. La profession apicole a été sinistrée et de nombreux recours ont été intentés pour interdire ces produits. C'était du temps où le ministre était un certain Gaymard, celui qui ignorait les prix du m² au cœur de Paris et pour qui tout était du, pour lui, sa chère Clara et sa horde de rejetons. Faut dire que chez les cathos convaincus, il est malséant que madâme dorme les jambes croisées.

Bref, même quand des études commandées par le ministère démontrent les dangers de ces produits, le ministre et un de ses sbires aux méthodes d'un autre temps du nom de Klinger n'hésitèrent pas à repousser l'échéance pour la sauvegarde des intérêts des industriels. Entre temps, José Bové et des camarades de la Confédération Paysanne décidèrent lors d'une pause repas dudit Klinger d'occuper son bureau. Ils y firent de nombreuses découvertes, notamment des études comparants les coûts en terme de santé publique en cas de maintien et d'indemnisation des industriels en cas de retrait des produits. Il est clair que la balance penchait plutôt du côté des transnationales, l'Etat étant à leur botte. Après une évacuation musclée, et Dieu merci filmée, on put voir les forces de l'ordre, elles aussi à la botte..., saccagé le bureau de Klinger afin d'accuser Bové et ses amis de dégradations inqualifiables... Ils remirent les pièces compromettantes à des juges courageux – en France, un juge courageux est un juge qui fait tout simplement son travail – et, miraculeusement, Gaymard signa l'interdiction d'exploitation du gaucho et du regent. En revanche, magnanimement, il accorda aux agri-pollueurs le droit d'utiliser le reste de leur stock de semences pour la récolte suivante. En d'autres temps, un médecin qui croupit actuellement en prison pour encore un petit moment fit de même avec du sang contaminé. Mais ici, il n'est question que d'abeilles. Peu importe que sans abeilles il n'y ait plus de pollinisation massive des plantes : pour les industriels, une plante pollinisée naturellement est une vente de semence de moins. D'une pierre, deux coups. A gerber.

Mais passons à l'homme car loin de se contenter de tuer leurs cibles, avec moults dégâts collatéraux, les pesticides s'attaquent aussi à l'homme. Jugez-en plutôt : cancers, anomalies congénitales, baisse de la fertilité, troubles neurologiques et cognitifs. Rien que ca. Vous découvrirez que l'eau de pluie est souvent plus polluée que l'eau de votre robinet, que l'air de votre maison est moins sain que celui de la rue et que, directives européennes obligent, les jardiniers amateurs peuvent utiliser certains pesticides sans aucune protection ni information alors qu'ils sont interdits aux agriculteurs car jugés trop dangereux pour la santé. Je vous épargnerais Bophal, l'agent orange etc... c'est du bonheur létal sans dilution.

Pour conclure, vous y verrez la force du lobbying, les scientifiques qui s'accrochent à leurs œuvres destructrices. Un notamment. Il s'appelait Haber. Juif de naissance, il devint protestant et travailla en Allemagne au début du siècle. Il trouva le moyen d'utiliser le chlore et de synthétiser l'ammoniaque en 1904. Il créa aussi l'arme chimique quand, du côté d'Ypres, on lui demanda de gazer troupes françaises et tirailleurs sénégalais. Après la guerre, il décida de se cacher en Suisse. On aurait pu en rester là... mais non. Le comité Nobel de 1920 lui décerna le prix de chimie pour sa trouvaille de 1904. Il fut le premier Nobel à recevoir son prix sous les huées du public, mais la science n'a pas de scrupule. Il créa de nombreux pesticides pour l'Allemagne jusqu'à son exil en 1933. Juif d'origine il dut fuir son pays d'adoption. Il lui laissa cependant une de ses dernières découvertes, un raticide du nom de zyklon B. Vous verrez au fil des pages que le monde des pesticides est une bombe à retardement qui va nous éradiquer efficacement. Et dire que les Etats-Unis et le reste de l'Europe ont plus d'égard pour leur population que la France n'est pas la moindre de ces révélations. Un ouvrage remarquable qui dénonce avec force le crime qui se commet contre l'humanité toute entière. Et après on râle après les faucheurs volontaires...
Bobkill
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le 21 nov. 2010

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