Si Petite louve ne brille pas pour son originalité – une énième course poursuite sur fond de vendetta familiale – on ne peut cependant pas affirmer que le roman de Marie Van Moere se lit sans passion. Et quand bien même l’on s’agacerait des clichés colportés par l’autrice, notamment cette famille de gitans sédentarisés, crapuleux à souhait, de vrais archétypes de sales gueules, prêts à haïr et à être hais, on finit pas s’attacher à ce road novel nerveux qui nous embarque sans coup férir dans un voyage au bout de l’enfer (cliché, je sais).


Pour venger sa fille, sauvagement agressée alors qu’elle rentrait du collège, une mère a commis l’irréparable. Dixit une quatrième de couverture qui, si elle ne livre pas l’essentiel de l’argument de départ, pose pourtant clairement le cadre et l’enjeu de Petite louve. La mère s’appelle Agathe, comme on l’apprend une centaine de pages plus loin. Médecin, elle a vu son existence paisible fracassée par le viol de sa fille. Depuis, elle n’est plus que rage irraisonnée. Son couple n’a d’ailleurs pas tardé à partir en vrille devant son désir obsessionnel de vengeance. Et, comme le sang appelle le sang, on pressent que cette histoire va s’achever dans la violence. Le roman s’ouvre d’ailleurs sur l’exécution du violeur présumé, suivi de son inhumation clandestine dans les calanques. Direction ensuite la Corse, pour échapper aux frères du défunt. C’est à partir de ce moment que le récit commence à montrer des signes de relâchement.


Marie Van Moere se contente en effet du minimum dans la caractérisation des personnages, une sécheresse qui n’est hélas pas compensée par le jeu du chat et de la souris entre les chasseurs et leurs proies. Agathe (la mère) n’est que colère et les deux frères Ivo et Ari ne sont que perversion et cruauté. Et les digressions dans leur passé ne confèrent guère d’épaisseur à leur psychologie. Heureusement, le récit se peuple d’autres personnages. Le père de la gamine d’abord. La sœur des frères gitans. Mais surtout un berger corse, mutique, vivant en ermite dans la garrigue. Peu à peu, les différents éléments se mettent en place jusqu’au dénouement que l’on a vu, senti venir de loin, même si, au détour d’une phrase, une ultime révélation vient remettre les faits en perspective. Baste !


En dépit de la frustration, on ne parvient pas à détester complètement Petite louve. Le roman est portée par une voix, un style qui marque l’esprit. Dans leur fragilité, le caractère ambivalent de leurs motivations, les personnages laissent infuser une certaine humanité. Et puis, il y a le personnage de la gamine dont l’innocence bafouée irradie au cœur de la noirceur du monde des adultes.


Bref, si Petite louve ne tient pas toutes ses promesses, il n’en demeure pas moins un roman qui questionne les liens existant entre la violence et l’amour. On attends maintenant le prochain titre de Marie Van Moere avec une impatience non feinte.


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leleul
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le 7 oct. 2018

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