Progressistes de tous pays, unissez-vous !

Un livre passionnant, à lire, relire et méditer. Le monde va bien. Mieux, il ne s’est jamais aussi bien porté, que ce soit en termes de richesse par habitant, d’espérance de vie, d’illettrisme ou de violence. Alors, pourquoi sommes-nous si pessimistes ? Trois phénomènes psychologiques faussent notre jugement :
• La nostalgie pour une enfance perdue et la peur de vieillir, qui nous font idéaliser notre passé.
• La défaillance de la mémoire collective, nous avons oublié les conditions de vie de nos aïeux.


Jusqu’au XXe siècle, le monde a vécu une pénurie alimentaire systématique, disettes et famines étaient le lieu commun de l’humanité. L’espérance de vie européenne était en 1830 de 33 ans, soit un chiffre pire que ceux que connaissent aujourd’hui les zones les plus déshérités de l’Afrique sub-saharienne ! Arrêtons-nous sur cet indicateur : il ne signifie pas que les adultes, la trentaine venue, succombaient subitement. Non, mais un quart des enfants mourraient à la naissance, le second quart avant l’âge de sept ans, un troisième quart décédait jeune adulte (les femmes en couches, les hommes à la guerre, tous par accidents mal soignés, maladies ou assassinés), le dernier quart atteignait péniblement la cinquantaine. Les parents enterraient la moitié de leurs enfants. Les rapports à la mort, à la souffrance et à la violence étaient différents. Quand plus de 90 % de la population vit dans la précarité ; les riches se protègent et les miséreux tentent de survivre, par tous les moyens. La guerre était permanente, entre féodaux voisins, puis entre États : il était plus aisé de piller son voisin que de produire ! La prédation était rentable.


Steven Pinker a estimé que le taux annuel de mort violente dans le sociétés non étatiques (les tribus de chasseurs-cueilleurs ou les chercheurs d’or en Californie) était de 524 sur 100.000, il est tombé à 60 pour le XXe siècle. Pour le seul homicide, il était de 30 à 40 pour 100.000 au XVe siècle en Europe occidentale, de 19 au XVe, de 3,3 au XVIIe, il approche le chiffre de 1 actuellement.


« Entre l’an 600 et l’an 1800, près d’un souverain européen sur huit fut assassiné dans l’exercice de ses fonctions. Un tiers des assassins s’emparèrent du trône » « Au XIVe et XVe siècles, plus d’un quart des aristocrates anglais succombèrent à une mort violente, en partie par ce qu’ils étaient armés et prêts à se battre pour leur honneur. Le moindre affront pouvait dégénérer en une sanglante bataille de rue (…) De nos jours, ce comportement nous semble réservé au crime organisé (…) »


Que s’est-il passé ? A qui devons-nous un tel bon en avant ? Les grands hommes du XIXe sont des scientifiques, pour la plupart oubliés. Souvenons-nous :
• De la révolution verte (Fritz Haber et Carl Bosch, engrais azotés - Norman Borlaug, génie génétique).
• De la révolution microbienne (Edward Jenner, vaccination variole - Ignace Semmelweis, règles d’hygiène - Joseph Jackson Lister, microscope achromatique - Louis Pasteur, vaccination de la rage et pasteurisation).
• De la révolution antibiotique (Alexander Flemming).
Et cela continue ! 21 % des humains savaient lire en 1900, ils sont désormais 86 %. En 1950, plus d'un quart des enfants de 10 à 14 ans travaillaient, moins de 10 % de nos jours. L’extrême pauvreté a été réduite de 44 % en 1981 à moins de 10 % aujourd'hui.


J’émettrai néanmoins deux bémols.


L’Histoire ne se résume pas à la victoire des Lumières sur les obscurantismes religieux. C’est oublier que l’on doit au judaïsme la condamnation du sacrifice humain, au christianisme celui de l’esclavage (à deux reprises, certes) et l’attention aux pauvres, que le mouvement des Lumières est né en Occident, que la plupart des philosophes étaient chrétiens (Montaigne, Descartes, Montesquieu, Pascal), théistes (Rousseau) ou déistes (Voltaire). La sélection de quelques versets de l’Ancien Testament, tirés de leur contexte, et le chiffres faux (350.000 morts) des victimes de l’Inquisition tiennent au minimum de la mauvaise foi.


Une idéologie peut en remplacer une autre. Norberg affirme que la mondialisation permet à tous, par contagion, de profiter du progrès technique, sanitaire et politique. L’accumulation de richesses nées du libéralisme engendre l’alphabétisation et l’ouverture aux autres, le gain de sécurité limite l’agressivité et le recours à la violence, le tout accouche de la démocratie. Le libéralisme libère l’humanité des chaînes de l'hérédité, des préjugés sociaux, de l'autoritarisme et de la servilité. De même que les sinistres prédictions des années 1970 du Club de Rome (famine finale et désertification de la planète), basées sur l’extrapolation de courbes et de tendances, se sont révélées fausses. De même l’équation, commerce international + richesses croissantes = démocratie finale et fin de l’histoire (cf. Francis Fukuyama) me semble utopique. Les progrès sanitaires et sociaux (réels) touchent aussi bien les républiques islamiques fondamentalistes que les démocraties populaires, les antagonismes demeurent, les jalousies et les vieilles peurs se sont pas mortes. Ceci dit, lisez et relisez Norberg !


2020

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le 6 juin 2017

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Step de Boisse

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