D’un auteur dont il est difficile de trouver les œuvres en librairie – il figure dans l’Album zutique réédité en « GF », dans un ancien « Pléiade » qu’il partage avec Lautréamont (!) ou dans quelques anthologies fin-de-siècle, mais rien de récent sous son seul nom –, une compilation intitulée Proses et Vers et publiée par une maison d’édition, Marguerite Waknine, dont la collection des « Cahiers de curiosités » propose des publications aussi bien choisies et jolies qu’elles sont malpratiques à lire autrement qu’assis dans un fauteuil (en gros, il n’y a pas de reliure : c’est du A4 glissé dans une couverture plastique).
La première phrase de cette critique, est étrange, n’est-ce pas, cher lecteur ? Tu t’y est peut-être pris à plusieurs fois pour comprendre son sens pourtant simple. (Ça peut venir du fait qu’on n’y trouve pas de verbe principal, ou que les incises sont un vrai foutoir.) Rassure-toi, le style de Germain Nouveau est beaucoup plus simple. Ça ne signifie pas qu’il soit pauvre, mais il est clair.
La partie « Proses » regroupe un certain nombre de textes plus ou moins pourvues d’une intrigue : « la Sourieuse » est une nouvelle à proprement parler, les « Notes parisiennes » et les neuf « Petits Tableaux parisiens » s’apparentent davantage à des chroniques, tandis que « la Petite Baronne », « le Manouvrier » et les « Notes d’un réserviste » flottent entre ces deux pôles. Quant aux « Vers », moins convaincants à mon sens, ils tournent principalement autour des thèmes du voyage, des femmes et de la religion.
Qu’on s’entende bien : lire Nouveau n’apportera pas grand-chose de nouveau à qui a déjà lu les flâneries baudelairiennes ou même le Huysmans conteur.
Mais on trouvera quelques répliques piquantes : « Ingrat, c’est possible, mais en amour la reconnaissance, qui est-ce qui pratique ça ? Voyons, franchement, on aime ou on n’aime pas » (p. 7), déclare un ami du narrateur de « la Baronne ». On retrouvera le thème de la pauvreté charmante, qui n’a rien d’agaçant ici car il ne sert pas à justifier quoi que ce soit : « Dans l’intérieur du logis, on entend une voix rauque et impérative de femme gourmandant des enfants sales, superbes, aux délicats pieds nus, des pieds de pauvres, beaux, vierges du soulier, au pouce écarté de statue antique » (« Les Tuileries », p. 34). On aura le plaisir de croiser ici et là les noms de Baudelaire, qui sur les « Grands Boulevards » « trouvait ses rimes fraîches et maladives comme l’aube » (p. 43) ou de Vallès, « Jules Vallès qui a regardé, par le gros bout de la lorgnette, ce même Paris que je regarde, moi humble, par le petit bout » (« Avenue de l’Observatoire », p. 39-40).
Et on songera qu’à la fin du XIXe siècle, c’étaient les pauvres qui pouvaient dire avec émerveillement, à propos de la grande ville : « la vie s’est réfugiée ici, la vie intense, louche, dorée, nomade, bohème, la vie qui ne veut pas dormir » (c’est dans « les Grands boulevards », p. 47)…

Alcofribas
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le 28 janv. 2019

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