Avant de trouver son style définitif et d’écrire son chef d’œuvre, « Leave it to Psmith », Wodehouse avait déjà inventé le personnage de Psmith auquel il avait fait vivre quelques aventures au style plus classique dans les années 1900 et 1910.


Le troisième et dernier livre de cette trilogie, « Psmith, Journalist », constitue la dernière aventure de jeunesse de nos amis Psmith et Mike Jackson. Désormais étudiants à Cambridge, les deux jeunes gens voyagent ici vers le nouveau monde, explorant un terrain de jeu plus vaste encore que lors de leurs escapades londoniennes : la métropole New-Yorkaise. Mike, en voyage aux Etats-Unis dans le cadre d’une tournée de cricket, n’a que peu de temps à consacrer à son ami. Celui-ci, au comble de l’ennui, cherche à tout prix quelque divertissement.


Profitant de l’absence opportune de Mr Wilberfloss, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Cosy Moments, Psmith convainc son remplaçant, Windsor, de changer dramatiquement la ligne éditoriale du journal. Evinçant tous les précédents écrivains et leurs "articles" aux qualités douteuses, Psmith et Windsor se mettent à l’œuvre sur les sujets les plus brûlants de la métropole : les taudis sordides des allées interlopes gérés par des géants de l’immobilier véreux, et, évidemment, le championnat du monde de boxe, catégorie poids-légers.


Les enjeux du roman semblent ici un peu plus engagés que dans le reste des œuvres de Wodehouse. Attirant l’attention sur la situation désastreuse de ces logements insalubres, exploités par des propriétaires sans scrupules et liés aux mafias New-Yorkaises. Si Psmith fait preuve, d’habitude, d’un dédain prononcé pour l’autorité et d’une indifférence pour pratiquement tout le reste, le jeune homme semble ici particulièrement concerné par l’injustice criante de ces taudis et se fait le champion de ceux qui y vivent dans la misère.


Profitant pleinement du changement de scène, Wodehouse met en scène la grande ville et son ambiance si particulière. Après les salons londoniens et les échauffourées politiques de Hyde Park, place aux matches de boxe à l’atmosphère fiévreuse et aux fusillades entre les gangs sur les toits de New York ! Le tout est décrit avec soin et retranscrit un univers vivant et crédible.


Pour le reste, on retrouve les éléments qui font le succès des œuvres de Wodehouse : un Psmith impérial et toujours plus brillant dans sa façon d’obtenir à peu près tout ce qu’il veut par la force de sa plaidoirie (même si, toujours modeste, il se déclare lui-même homme de "peu de mots"), un style léger, plaisant à lire et rapide à finir.


La trilogie avait commencé avec Mike Jackson, le bon pote, honnête et peu disert. Il s’efface peu à peu au cours des romans, laissant une place de plus en plus prépondérante à son ami Psmith, qui est objectivement plus fun. Ici, Mike disparaît presque complètement du récit, abandonnant entièrement la scène à Psmith. Nous les retrouverons avec plaisir huit ans plus tard pour l’épisode ultime des aventures de Psmith, l’un des plus grands personnages de la littérature !


Si Wodehouse n’a pas encore adopté son style caractéristique qui en fait l’un des écrivains les plus agréables à lire, on retrouve néanmoins les spécificités de ses histoires dans la trilogie dédiée à Mike et Psmith. Un roman d’apprentissage – à l’école britannique – et deux tomes dédiés aux aventures de jeunesse de ces deux personnages constituent cette sorte de prologue à « Leave it to Psmith », certes de moindre génie, mais tout à fait agréables à lire et à découvrir.

Aramis
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le 29 mars 2017

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