Psychanalyse des contes de fées par Eggdoll
Entre analyses psychologiques séduisantes et affirmations psychanalytiques abracadabrantes, c'est un bilan mitigé que j'ai après la lecture de Psychanalyse des contes de fées. Par honnêteté je préciserai toutefois que je ne l'ai pas lu intégralement - j'ai dû lire approximativement les deux tiers.
Bettelheim est un fin analyste. Il est très intéressant de voir la myriade de significations qu'il trouve à tel ou tel conte, entre ultra-populaire (comme Cendrillon ou Blanche-Neige) et enseveli sous les âges (comme Les Trois plumes). Significations qui ne semblent pourtant naturelles : j'ai eu le sentiment que Bettelheim partait d'un postulat purement freudien pour ensuite chercher tous les arguments permettant d'accréditer sa thèse, et non l'inverse, ce qui eût été plus crédible. Ainsi, entre menstruation, viol, symboles phalliques et autres sexualités enfantines, on est servi. Ce qui est évidemment parfois tiré par les cheveux et complètement contestable.
Un exemple parmi d'autres : au début de Blanche-Neige, la reine coud à sa fenêtre noire devant la neige blanche, se pique le doigt et trois gouttes de sang tombent sur la neige (annonce de l'héroïne blablabla). Notre psychanalyste voit ces gouttes de sang comme l'annonce de la menstruation de Blanche-Neige. Et là, tu te dis : D'ACCORD. Sinon, entre autres joyeusetés, on te parle de vagin d'or et là, tu es vraiment dépassé. C'est le genre de discours intellectualisant dont tu te moques avec tes amis, le genre "conceptuellement abstrait" qui fait rire.
Pourtant, tout n'est pas ramené au sexe et de nombreux raisonnements paraissent fondés, qu'on y adhère ou pas. Bettelheim a le mérite, qui n'est pas moindre, de donner une importance primordiale au conte de fées, de le remettre au goût du jour (même si personnellement je ne suis pas complètement convaincue). Ce qui m'a surtout dérangée, c'est cette prétention de connaître l'enfant par coeur, son mode de fonctionnement, son inconscient et tout le fatras, partant de tel ou tel axiome. Mais cela n'empêche pas que l'on suit très facilement l'écriture de l'auteur et le fil conducteur de son livre très structuré.
Un autre talent de Bettelheim est de ramener à la surface l'origine de tous ces contes, de nous en faire un résumé, de comparer, de chercher les mérites de telle ou telle version pour conduire aux analyses dont j'ai parlé. Une vocation didactique donc, plutôt passionnante, car personnellement je suis assez fascinée par les évolutions subies par les contes depuis la nuit des temps. Un panorama historique enrichissant.
Bref, cette Psychanalyse des contes de fées n'est pas exempte de défauts, mais riche, intéressante et parfaite pour critiquer Freud. Mais c'est un pavé, alors je te suggère, lecteur pressé, de d'abord chercher à suivre le mode de pensée de Bettelheim pour voir que tout se suit logiquement, et de t'attarder ensuite sur les contes les plus fondateurs, aux analyses d'ailleurs plus poussées, souvent, que les autres. A lire pour la culture et pour les défenseurs des contes !