J’adore Stephen King, vous pouvez bien dire ce que vous voulez, c’est comme ça.

Même après avoir lu pratiquement tout ce que le gaillard à pondu, et malgré, il faut bien l’avouer, quelques grosses déceptions, j’aime retrouver sa voix si particulière.

Il est pour moi comme un vieux pote. Et comme avec tous les vieux potes, on a beau connaître toutes leurs blagues à l’avance, tous leurs vieux trucs, on en rit encore. On peut être capable de prédire ce qu’ils vont vous raconter, et comment, on a quand même envie de les écouter, pour entendre ça de leur voix. Parce que c’est eux, parce que c’est vous, parce qu’il y a un échange qui dépasse les simples mots. Parce qu’il y a une compréhension mutuelle.

Dans On Writing, Stephen décrit l’écriture comme de la transmission de pensée décalée dans le temps, et j’aime bien que Saï King vienne de temps en temps faire un coucou dans ce capharnaüm, ressemblant à s’y méprendre à un bazar surchargé de babioles les plus diverses, qui me sert de tête.


Revival commence par une longue dédicace à de nombreux auteurs cultes de l’horreur: Shelley, Stoker, Lovecraft, Smith, Leiber, Derleth, Wandrei, Jackson, Bloch, Straub et au Grand Dieu Pan de Machen; rien que ça! Alors, forcément, en lisant cette liste hallucinante de maîtres de la littérature horrifique, et la volonté de la part de King d’inscrire son livre dans la filiation directe de ces auteurs-là, votre imagination s’emballe, et vous vous attendez à un truc à vous mettre le trouillomètre en orbite.


On commence donc le récit fébrile, et au bout de 150 pages, on se demande bien où tout ceci va nous mener. Pas que ce soit inintéressant, bien au contraire. King, comme à son habitude à ce talent pour donner de la substance à ses personnages, pour les ancrer dans le réel avec une facilité déconcertante. Mais quid du frisson promis? Pas grand-chose, mis à part ce malaise insidieux qui se glisse peu à peu en vous. Rien de vraiment effrayant, juste cette sensation qu’il y a un diable caché dans la boite, près à sortir, mais qui prend son temps, qui ménage ses effets. Et où veut-il en venir avec cette histoire d’ électricité, mis à part dans ce clin d’œil évident au Frankenstein de Shelley? Tout ça reste intriguant, et on continue donc en faisant confiance à King.

Entre temps, on remarque que le maître de Bangor continue encore et toujours à distiller dans son texte ses obsessions. La religion, et en l’occurrence ici son rejet, total, absolu, presque militant. Bien sûr, King en profite pour tailler un costard aux prédicateurs manipulant la crédulité de leurs ouailles, mais il va plus loin que ça. Au fur et à mesure du récit, tous ses personnages, ou peu s’en faut, deviennent athées de manière radicale, ce qui donne à son histoire un aspect presque nihiliste auquel Saï King ne nous avait pas forcément habitué.

King aborde également encore une fois assez frontalement le thème de l’addiction et de l’obsession comme il avait déjà pu le faire dans nombres de ses livres. Mais bien plus que cela, Stephen fait tourner tout son livre autour de la dégénérescence, de la déliquescence, et de la dégradation aussi bien morale que physique de ses protagonistes.

La perte de l’innocence de l’enfance, des illusions concernant Dieu, ou tout le reste d’ailleurs, à travers la transformation lente et progressive, mais inéluctable, d’un homme de bien en un manipulateur sans cœur d’un coté, et d’un enfant en cinquantenaire désabusé.

Petit à petit, les ombres de Machen, Bloch, Derleth et Lovecraft s’étendent sur le récit, et on se rend vite compte que la fin de cette histoire ne se terminera pas vraiment en happy end. Néanmoins, on ne peut pas tout à fait être préparé à la conclusion que King nous réserve. J’ai bien souvent critiqué King pour ses fins un peu bâclées et dans une vaste majorité des cas, décevantes. Ce n’est absolument pas le cas avec ce Revival. C’est un monstrueux coup de maillet que King envoie au lecteur avec sa conclusion. Et s’il est vrai que le récit n’est que rarement effrayant, même à la toute fin, on peut dire que l’horreur que King nous propose est bien plus insidieuse. C’est une horreur cosmique, existentielle, que King instille en nous, et la fin de son livre s’accroche telle une bête monstrueuse à votre conscience pour ne pas vous lâcher, et vous laisse sonné.


Avec cette conclusion, Revival s’inscrit comme une des histoires les plus noires, désespérées et dérangeantes que King ait commis, et qui n’est pas sans rappeler dans les sentiments qu’elle suscite un livre comme Simetierre ou les différentes histoires qui composaient le recueil de nouvelles Full Dark, No Stars.

La conclusion du roman vaut donc à elle seule le détour.


Un des romans les plus sombres de King, et dont la fin glaçante vous hantera un petit moment. Cela a été le cas pour moi tout au long de la journée qui vient de passer. Je crois qu’il en sera de même pour tout "constant reader" du maître de Bangor.


Samu-L
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le 12 juil. 2023

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Samu-L

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