L'auteure raconte Lucile. J'ai vu de la pudeur dans cette distance que garde l'auteure pour parler de sa mère. Elle se prémunit des affects, de la douleur, de toute forme de subjectivité en évitant les trop intimes 'maman' ou 'ma mère'.
L'auteure raconte sa Lucile. J'ai vu une sorte de respect vis-à-vis de cette vie qui, comme toute vie, ne peut jamais être embrassée dans sa totalité, ni de manière absolument objective. Sa Lucile est sa mère, mais Lucile n'a pas été que ce personnage, elle n'a pas eu que ce rôle. La désigner par son prénom laisse une place à tout ce qu'elle a été d'autre.
Je me suis demandé ce que cherchait à faire Delphine de Vigan: présenter au tribunal des lecteurs les actes condamnables de certains personnages pour rendre justice à sa mère, qui serait la victime. Ou bien raconter une vie avec toutes les lacunes, les reconstitutions plus ou moins fidèles, les parts irréductibles de subjectivité -surtout lorqu'il s'agit de celle de sa mère- que cela comprend. Mais elle raconte en avouant sa faiblesse et ses doutes.
Finalement, cette famille qui 'dégueule' de vie au point d'écoeurer de la vie n'a imploré que ma clémence. Aucun de ses membres n'est condamnable au fond car tous sont malades: ceux qui peuvent vivre avec le spectre de la mort et ceux qui se battent perpétuellement contre lui en déployant une rage de vivre inaltérable.
Un récit en oxymore: la légèreté, l'appétit de vie, l'heureuse agitation d'une famille nombreuse flirtent avec l'angoisse, le suicide et la solitude. Apollon danse avec Dionysos. J'ai ri en pleurant ou pleuré en riant.
'Rien ne s'oppose à la nuit', pas même le jour car rien n'est tout blanc ou tout noir. Il y a de l'esprit tragique dans ce portrait de femme, dans cette famille. L'auteure écrit pour comprendre et, je crois, pardonner. Cheminant avec elle vers ma mère, ma famille, j'ai fini par ressentir une sorte d'apaisement.
loviris
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le 29 août 2012

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le 29 août 2012

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