J'ai déjà expliqué ici la façon dont j'évite généralement les auteurs de best-sellers et leurs ouvrages que l'on voit fleurir au gré des saisons dans les transports en commun, comme des phénomènes inéluctables qui poussent tous les lecteurs à choisir ce livre à cette période. J'ai aussi raconté que Delphine de Vigan a longtemps fait partie à mes yeux de cette catégorie d'auteurs à la mode que je devais fuir comme la peste, et comment j'ai su mettre de côté mes aprioris pour lire son court roman Les Loyautés dont je l'avais vu parler joliment dans un entretien à la télévision. J'avais alors découvert avec surprise une plume plaisante qui savait peindre avec délicatesse les affres de l'esprit humain.


Après cette découverte, j'avais consulté brièvement la bibliographie de Delphine de Vigan et j'avais retenu quelques romans qui pourraient m'y intéresser. J'ai laissé passer quelques semaines pour d'autres lectures, et j'ai finalement commencé ce qui est peut-être son plus grand succès : Rien ne s'oppose à la nuit, un récit consacré à sa mère, atteinte d'un trouble mental bipolaire.


Ce livre se présente comme un roman, il en a d'ailleurs la forme, mais c'est aussi un récit hybride, entre biographie de la mère et autobiographie lorsque l'auteur y parle de l'écriture du livre lui-même, ou relate certains événements passés avec ses yeux. On touche à l'auto-fiction, à la manière d'un Lionel Duroy dont Delphine de Vigan parle d'ailleurs à deux reprises dans son récit.


La mère, Lucile, est le personnage principal du récit, autour de laquelle gravitent ses parents, ses nombreux frères et soeurs, les fantômes de quelques disparus, puis les conjoints, les enfants puis les petits-enfants de toute cette tribu. C'est une histoire familiale que Delphine de Vigan nous présente, et à travers cette histoire, elle cherche les causes de la maladie de sa mère, dont le suicide a déclenché l'écriture de ce livre.


C'est un très beau livre, avec des personnages marquants, vivants, avec leurs failles et leur part d'ombre. C'est un récit qui sonne juste sur le trouble mental, mais aussi sur le processus d'écriture, sur les liens familiaux, sur le secret et le silence, sur la perte d'êtres chers et l'impact qu'ils peuvent avoir sur ceux qui leur survivent. C'est un livre empreint d'émotion d'autant plus forte qu'elle reste retenue, comme prisonnière entre les lignes, entre les mots de Delphine de Vigan. Un grand livre, assurément.

ZeroJanvier
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le 5 mai 2018

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Zéro Janvier

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